Covid-19: démunie, l'Amazonie brésilienne subit les ravages d'une épidémie hors de contrôle

La situation demeure critique à Manaus, la capitale de l'Amazonas. Dans le plus grand État du Brésil, le nombre de victimes du Covid-19 se multiplie, sans doute en raison d'un variant plus contagieux détecté ici. Un épidémiologiste de la Fiocruz, un centre de recherche médical, demande l’envoi d’une mission internationale sur place, alors que Manaus enregistre 1 000 morts depuis le début de l’année.

Avec notre correspondant à São Paulo, Martin Bernard

Jesem Orellana lance un véritable appel au secours. Cet épidémiologiste, qui habite depuis seize ans dans la capitale amazonienne, est sous le choc face à l’ampleur de la crise humanitaire. Il demande l’envoi d’une mission d’observateurs de l’Organisation mondiale de la Santé et des Nations unies, car, dit-il, il n’est plus possible d’avoir confiance en ceux qui gèrent la crise actuellement.

« Manaus est complètement perdu au milieu de cette épidémie, dénonce Jesem Orellana. On ne sait plus quoi faire pour la contrôler. Un nouveau variant du virus a apparemment causé des problèmes gravissimes en terme de contagion, en terme de pression. Il a surtout causé beaucoup de morts. Nous ne savons plus à quel saint nous vouer. » 

De nombreux habitants de Manaus sont décédés car les hôpitaux ont été débordés et certains manquaient d’oxygène pour traiter les malades. D'autres ont fermé la porte à des patients qui sont morts sans assistance médicale. 

« Manaus n’a jamais décrété de confinement, rappelle l'épidémiologiste qui incrimine les autorités. Jusqu’à présent nous avons décidé de laisser circuler le virus librement à travers la ville... Cette crise est le résultat d’un comportement adopté conjointement par le maire de Manaus, le gouverneur de l’Etat d’Amazonie et le président Jaïr Bolsonaro. Tous les trois minimisent l'impact de la pandémie. Ce qui fait que nous sommes vraiment dans une situation désespérée ».

Manaus revit le cauchemar de la première vague de coronavirus, quand la municipalité, débordée, avait  dû creuser des fosses communes pour enterrer les victimes du Covid-19. Mais selon Jesem Orellana, la situation est encore bien pire aujourd’hui qu’elle ne l’était en avril dernier. « Les gens meurent seuls à la maison, sans avoir eu d’assistance médicale. Dans les rues de Manaus fleurit le marché noir de l’oxygène, vendu en bonbonnes. C’est une véritable tragédie que des patients atteint du covid sont en train de vivre dans les hôpitaux, ainsi que leurs proches et le personnel de santé. Tous sont à bout, psychologiquement. »  

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Réserves d'oxygène épuisées

Ainsi à Iranduba, ville de 50 000 habitants située à 40 km de Manaus, de nombreux hôpitaux sont débordés par cette nouvelle vague de contaminations. À l'hôpital Hilda Freire, la quasi-totalité des 30 lits sont occupés et 15 décès dus au Covid-19 ont été enregistrés entre lundi et mercredi, soit plus qu'au cours des quatre derniers mois. La réserve d'oxygène qui durait autrefois deux semaines est épuisée en une journée à peine.

L'unique accès à Iranduba est une route dont certains tronçons sont en travaux et qui se transforment en bourbier lors des pluies diluviennes amazoniennes. C'est cette voie que les patients les plus gravement atteints doivent emprunter pour rallier la capitale Manaus, la seule des 63 villes de l'État à disposer d'une unité de soins intensifs et d'où partent les bouteilles rechargées en oxygène.

À environ 85 km à l'ouest d'Iranduba, le long d'une route qui traverse la forêt, la ville de Manacapuru compte 223 décès du Covid-19 pour 100 000 habitants, le taux le plus élevé de l'Amazonas.

Selon les autorités, un retard de livraison a entraîné mardi le décès par asphyxie de sept personnes à Caori, un village en amont de Manacapuru, sur le Rio Solimoes.

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