La grille s’ouvre. L’imposante propriété de huit hectares fait peau neuve. Une dizaine d’ouvriers travaillent d’arrache-pied dans le but de rendre la résidence de Jean-Pierre Bemba plus conviviale. Pelouse tondue, herbes sauvages éliminées, tout est fin prêt pour accueillir l’ancien vice-président et sa famille pendant leur court séjour à Gemena.
« Nous avons commencé à travailler depuis juin quand nous avons appris que le chef a été acquitté. Nous le faisons pour lui et pour la famille. Le chef a droit à un accueil digne d’un chef de l’Etat. Il a souffert. Il rentre chez lui. Il mérite que tout soit prêt », dit Fabien, sueur au front, la chemise à peine boutonnée et une houe à la main droite.
Gardée par des militaires des Forces Armées de la RDC, cette propriété ne reçoit quasiment pas de visite. Même la famille restreinte de Jean-Pierre Bemba ne fréquente pas le lieu. « Quand Bemba a été condamné, il n’y avait presque plus d’espoir. Même dans sa famille, les gens étaient presque perdus. Ils ne croyaient pas que sa libération pouvait intervenir si tôt. Peut-être, je pense, qu’ils se disaient que revenir ici allait faire remonter les vieux souvenirs », avance Pierre, voisin de Jean-Pierre Bemba.
Une économie au ralenti
Gemena est une ville marquée par la famille Bemba. Ils sont dans le transport, le commerce du café et du cacao et dans l’immobilier. Mais depuis plusieurs années tout tourne au ralenti. « Lui en prison, son père décédé, la vie économique tournait au ralenti ici. Nous espérons vraiment qu’il rentre. Qu’il vienne reprendre les affaires ici. Moi, je suis un agriculteur. Je travaillais à la plantation, mais aujourd’hui ça ne va pas. Je ne suis pas le seul dans ce cas », confie Mbombo, la cinquantaine révolue. Depuis, il s’est tourné vers le commerce des poissons fumés. Ils sont nombreux dans ces cas à attendre le retour non seulement du politicien mais aussi de l’opérateur économique qu'est Jean-Pierre Bemba.
En 2015, l'Equateur a été divisé en cinq nouvelles provinces : Équateur, Mongala, Tshuapa, Nord-Ubangi et Sud-Ubangi qui a comme capitale Gemena. Le Sud-Ubangi qui n’avait qu’un statut de territoire a maintenant plus d’importance. Depuis, beaucoup de personnes ont quitté les territoires de Budjala, de Kungu, de Libenge et des villages et autres cités avoisinants dans l’espoir de trouver un emploi et une meilleure vie à Gemena.
Mais le développement tarde à venir, se plaint Bombili, 40 ans révolus : « Nous manquons de l’eau, de l’électricité. Il n’y a pas des routes. Les gens souffrent ici. Nous pensions que le nouveau découpage territorial permettrait aux investisseurs de venir, qu’il y aurait du travail, mais rien n’a été fait. Nous espérons vraiment qu’il viendra s’occuper de l’économie de notre nouvelle province. »
Des militants mobilisés
Sur le plan politique, le Mouvement de libération du Congo (MLC) est toujours puissant à Gemena. Dominant à l’Assemblée provinciale, le parti de Bemba sait également mobiliser ses militants grâce notamment à une station radio, Radio Liberté, qui émet tous les jours en dépit du fait qu’elle tourne grâce à un groupe électrogène. Au siège provincial du parti, les militants se retrouvent quasiment chaque jour. Et ce mercredi, quand l’avion de Jean-Pierre Bemba a atterri à l’aéroport de Ndjili à Kinshasa, un rassemblement spontané s’est organisé au pied du bâtiment. « Pour tous ceux qui ont encore un doute, nous avons aujourd’hui la preuve : il est là, il est en RDC. Et il sera avec nous ce samedi à Gemena », a lancé à la foule Sido Penze, président fédéral du MLC dans la province du Sud-Ubangi.
Plusieurs autres dizaines de militants, chantant et dansant, ont également envahi les grandes artères de la ville, les uns sur des motos et les autres à pied. « C’est comme quand Jésus était entré à Jérusalem. Le peuple est là. Nous sommes là. Nous sommes prêts. Nous n’irons pas travailler. Les marchés ne fonctionneront pas. Plus de 10 ans plus tard, nous serons tous à l’aéroport pour l’accueillir », s'exclame Fideline, le drapelet du MLC à la main devant la résidence de Bemba.
Les banderoles sont imprimées et les drapeaux du MLC sont déjà visibles dans certains coins de la ville. La mobilisation se fait à la radio, mais aussi à la criée. Certains militants n’hésitent pas de se promener drapeau à la main pour sensibiliser. D’autres partis de l’opposition se préparent également. C'est le cas d'Ensemble pour le changement de Moïse Katumbi. « Nous avons reçu des instructions bien claires de la part de la hiérarchie pour réserver un bel accueil à Jean-Pierre Bemba. Nos calicots sont en train d’être traités et dès ce jeudi tout sera en place », indique Papy Moroni, coordonnateur provincial de la formation.
Au niveau des autorités provinciales, on assure que tout a été mis en place pour éviter tout débordement.