Ethiopie: les exilés de Moyale au Kenya se disent victimes de ciblage ethnique

Près de 10 000 réfugiés éthiopiens sont toujours installés côté kényan de la frontière dans la région de Moyale (nord du pays). Leur recensement et l'assistance humanitaire fournis par le gouvernement, le HCR, la Croix-Rouge ou encore l'Unicef sont en cours. Leur fuite a commencé il y a environ trois semaines après des violences perpétrées par l'armée éthiopienne. Leurs témoignages contredisent la version officielle. Reportage dans l'un des camps de réfugiés.

Sadi Hassan prépare à manger pour ses deux enfants. Elle vivait à Moyale. Mais il y a deux semaines, elle a franchi la frontière et s'est réfugiée au camp de Sololo après ce qui ressemble à un massacre gratuit de l'armée.

« J'ai vu vingt personnes se faire abattre, de mes propres yeux, raconte-t-elle. Les soldats arrivaient à bord de véhicules, s'arrêtaient et tuaient les gens au hasard, sans distinction comme ça dans la rue. »

Selon la version officielle, des soldats auraient confondu des civils avec des rebelles de l'OLF, faisant neuf morts près de Moyale. Mais les réfugiés parlent d'un bilan plus lourd et décrivent des violences qui n'ont rien d'une bavure. Guyo Djarso vient d'El Sod, à plus de 100 km de la frontière. « Le gouvernement arrêtait des jeunes, les accusant d'avoir des armes, et on ne les revoyait plus. J'ai vu des gens se faire tuer. J'en ai enterré huit dont deux de ma famille. Je me suis dit que ce serait bientôt mon tour. Donc, j'ai pris mes enfants et j'ai fui. »

Tous le répètent : ils sont visés parce qu'ils sont d'ethnie Oromo. Borgolo Gonaya a 16 ans et a passé six mois en prison avant de fuir. « On n'a aucun de droit. Je ne suis jamais allé à l'école, car si vous êtes éduqué, vous risquez d'être enlevé. J'étais avec des amis. Ils ont été tués et j'ai été arrêté. Les militaires m'accusaient d'être un opposant parce qu'on écoutait de la musique Oromo. On ne peut pas se protéger. Le gouvernement a les armes. Nous sommes Oromo, mais le pouvoir appartient aux Tigréens. »

Un Premier ministre Oromo, Abiy Ahmed, vient d'être nommé. Mais pour Borgolo Gonaya, il ne pourra rien faire tant que les Tigréens seront au pouvoir.

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