Sierra Leone: le second tour de la présidentielle reporté au 31 mars

La justice sierra-léonaise a rejeté ce lundi 26 mars le recours d’un militant du parti au pouvoir qui aurait eu pour effet de reporter le second tour de la présidentielle, prévu pour mardi 27 mars. Cependant, la Commission électorale nationale (NEC) a réclamé un délai de quelques jours pour organiser le scrutin et a proposé un report au 31 mars, date à laquelle se tiendra finalement le scrutin.

Signe de l'attente fiévreuse qui régnait à Freetown depuis plusieurs jours, un important dispositif policier entourait la Haute Cour de justice dès la fin de matinée.

Cet après-midi, l'impatience était palpable jusque dans la salle, ouverte au public et pleine à craquer. La température monte, quand une partie de la salle se lève pour crier « time ! » : « nous ne pouvons plus attendre », lance une dame dans le public.

Le juge entre finalement, le silence se fait, on entend seulement les chauves-souris suspendues aux branches du cotton tree voisin. Et à son pied les manifestants qui réclament la tenue du scrutin au plus vite.

Il est 18h30 quand le juge proclame la levée de la suspension. L’annonce est saluée par des cris de joie, des chants, des embrassades. « C’est un immense soulagement » confie une enseignante venue voir l’audience.

Cinq jours pour organiser la finale électorale

Mais il fallait encore fixer une nouvelle date pour le scrutin, ce qui relève de la Cour suprême. Celle-ci vient de rendre sa décision : ce sera samedi 31 mars. C'est la Commission électorale qui en a fait l’annonce officielle.

Cinq jours, c'est le temps que la Haute Cour a jugé nécessaire pour organiser le second tour, pour acheminer l’ensemble du matériel électoral dans tous les bureaux de vote à travers tout le pays. Tout le monde est à pied d’oeuvre. « Nous avons encore beaucoup de travail devant nous », disait à l’instant un responsable à RFI.

L’ensemble des acteurs politiques - représentants de la Commission, observateurs et partis - étaient réunis dans un grand hôtel de Freetown ce soir. Tous ont accepté la nouvelle date du scrutin, selon des journalistes sur place.

Il faut dire que les dernières déclarations de l’opposition avaient suscité l’inquiétude. Le SLPP menaçait d’appeler ses militants à sortir dans la rue, mais il n’en est plus question.

Les opérations de déploiement du matériel électoral avaient été « interrompues » samedi 24 mars par une décision de la Haute Cour de justice, qui décidait finalement de suspendre « provisoirement » le vote, à la suite d'un recours déposé par un militant du parti au pouvoir.

Les forces de sécurité devant les urnes

Ce juriste alléguait que le premier tour avait été entaché d’irrégularités, des fraudes assez graves pour justifier le report du second. Mais le juge a levé cette injonction, permettant à la campagne de redémarrer. Dans son jugement, le magistrat écrit, et ce n'est pas un détail, que les forces de sécurité devront assister au dépouillement des voix.

Pour certains juristes, c’est « bizarre » parce que la loi électorale dit le contraire : elle précise qui doit assister au comptage, et il n’est nulle part question de policiers.  Aux yeux de maître Tommy Ibrahim, qui dirige une ONG, à Freetown, le juge Mansaray est en train de « récrire les lois électorales » de la Sierra Leone.

Soulagement

Sous les fenêtres de la Haute Cour l'ambiance est à la fête. « Le peuple a gagné contre une poignée de gens qui voulaient protéger leur égo ou leur carrière politique ! », se réjouit cet homme. « Je me sens vraiment soulagé car en tant que citoyen de la Sierra Leone, j'étais très inquiet : les gens ne travaillent plus, les enfants ne vont plus à l'école les universités sont fermées... »

« Je pense qu'il était temps ! Ca va calmer la pression sur le pouvoir judiciaire et les tensions dans le pays. Pour l'instant on croise les doigts », confie ce citoyen préoccupé. Beaucoup pensent avoir échappé de peu à une crise politique majeure.

La commission électorale peut maintenant reprendre ses opérations. « Il faut encore terminer la formation des agents et déployer le matériel électoral, précise son porte-parole Albert Massaquoi. Il ne nous reste que 14 heures avant le vote c'est pourquoi nous demandons à la Cour suprême de nous accorder quelques jours de plus. »

La Cour suprême donne quatre jours supplémentaires pour organiser le vote. L'opposition d'abord hostile à un report a changé d'avis, comme l'explique son candidat Julius Maada BIo : « Nous sommes tombés d'accord sur le 31 mars, ce samedi, pour organiser l'élection, c'est entériné (applaudissements). Il reste quelques détails techniques, mais rien qui ne pourra nous empêcher de conduire l'élection le 31. »

« La commission électorale a toute notre confiance », ajoute Samura Kamara, le candidat du parti au pouvoir dont l'un des membres est à l'origine de ce report.

Quoi qu'il en soit, cela ne change rien au fait que les éventuels mécontents pourront toujours contester les résultats électoraux après le second tour de samedi. On sait que le candidat du pouvoir, Samura Kamara, et celui de l'opposition, Julius Maada Bio, sont au coude à coude. Au premier tour, l'écart entre les deux hommes était inférieur à 1%.

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