Jusque-là, les autorités n'ont libéré que du menu fretin. Lundi, le gouvernement a affirmé avoir rendu la liberté à plus de 500 personnes qui étaient en attente de procès. La plupart étaient accusés de violences ethniques à la frontière entre les régions Oromo et Somali, au sud-est du pays. Mais aucune tête d'affiche n'avait encore été libérée.
La communauté oromo, principal groupe ethnique du pays, qui était à l'origine du mouvement de contestation de 2015, attendait donc avec impatience de voir sortir Merera Gudina. Près d'un millier de personnes sont venues le saluer à son arrivée chez lui, dans la banlieue d'Addis-Abeba. Après plus d'un an de détention, ce professeur d'université de 61 ans, n'a pas perdu son objectif et a immédiatement appelé le gouvernement à « négocier avec les forces politiques qui jouissent d'un soutien massif, afin de créer une Ethiopie démocratique qui garantisse l'équité entre tous ».
Merera Gudina, 61 ans est un professeur d'université et un défenseur historique des intérêts du peuple oromo, majoritaire en Ethiopie. Déjà, sous le régime du DERG, la junte militaire au pouvoir de 1977 à 1991, il passe près de sept années derrière les barreaux pour avoir manifesté contre la dictature de Mengistu. Son arrestation en décembre 2016 avait choqué. Merera Gudina est un opposant modéré, figure du combat pacifique.
Apaiser la contestation
Ce qui est en jeu dans cette libération, c'est d'apaiser la contestation et de rassurer certaines ethnies. Début janvier, Hailemariam Desalegn avait présenté son amnistie comme une mesure pour renforcer la « cohésion nationale ». Une main tendue aux mouvements contestataires pour restaurer la paix. Depuis maintenant deux ans, l'autorité est contestée.
Des manifestations ont démarré d'abord en pays Oromo, puis s'étaient étendues à la région Amahra et à celle des peuples du Sud. Ce mouvement d'une ampleur jamais vue depuis 25 ans, met en cause la domination du pouvoir par la minorité tigréenne, incarnée par le TPLF, le Front de Libération du peuple du Tigré.
L'opposition éthiopienne attend donc beaucoup de cette amnistie, sans être convaincue des bonnes intentions du gouvernement. Les Oromos attendent notamment avec impatience la libération de Bekere Gerba, autre membre du Congrès fédéraliste oromo, très populaire chez les jeunes. Beyene Petros, le vice-président de la coalition Medrek a fait part de sa circonspection, affirmant que « rien ne garantit que ceux qui sont libérés aujourd'hui ne seront pas à nouveau emprisonnés demain ». On se souvient en effet du cas de Birtukan Mideksa. Cette opposante avait été graciée en 2007 après avoir passé deux ans en prison, pour être arrêtée de nouveau dès 2008.