Visite de Guterres en RCA: la Minusca plus que jamais en question

En cette Journée des Nations unies, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est arrivé ce mardi 24 octobre en République centrafricaine où il va passer quatre jours. Une visite qui intervient alors que le mandat de la Minusca doit être renouvelé le mois prochain et que la mission fait face à de nombreuses critiques, notamment pour son incapacité à enrayer le cycle de violences qui a fait des centaines de morts depuis un an.

Force est de constater que la Minusca n’est pas en mesure de remplir son rôle de protection des civils dans ce pays grand comme la France et la Belgique réunies. Antonio Guterres va d’ailleurs demander un renfort de 900 Casques bleus, en plus des 10 000 déjà présents dans le pays. Mais la quantité de troupes n’est pas le seul problème selon Marylin Cittadini, chef de mission de l’ONG Solidarités internationales en RCA.

« C'est un mandat qui doit être renforcé, mieux expliqué et mieux utilisé à des fins de protection des populations. Aujourd'hui, c'est la priorité, c'est ce qui fait défaut, c'est ce qui explique aussi pourquoi la Minusca a mauvaise presse, c'est que dans plusieurs situations, il y a eu le sentiment des populations civiles que la présence de la Minusca n'a pas suffi à arrêter les violences, l'avancée de groupes armés. Donc je pense qu'il y a un niveau d'engagement plus fort à avoir de la part de la Minusca sur le terrain pour montrer qu'ils sont bien là pour remplir leur mission première qui est la protection des civils », estime-t-elle.

La Minusca  accusée par tous les groupes armés de parti pris en faveur de leur adversaire

Les Casques bleus sont clairement pris pour cible: douze ont été tués en 2017. Les humanitaires eux aussi sont devenus des cibles. On a recensé près de 300 incidents contre des ONG depuis le début de l'année 2017.

« La Centrafrique est le pays le plus dangereux pour les humanitaires, c'est là où on a enregistré le plus d'incidents de sécurité pour les ONG depuis le début de l'année. Donc on fait très attention, on discute avec les populations, avec toutes les parties au conflit, pour gagner de l'accès. Certains groupes armés voient les ONG comme des gens avec des ressources à prendre. Quelquefois les populations ne comprennent pas pourquoi on va aider un groupe qui se trouve plus loin que leur propre localité et qui peut être membre d'une autre communauté donc ça peut créer des tensions », explique Isabelle Robin, directrice Afrique centrale d’Action contre la faim (ACF).

Pour Hélène Quéau de Première Urgence International, il faut davantage marquer la distinction entre le volet militaire et le volet humanitaire de l'opération de maintien de la paix en RCA.

« D'ores et déjà, bien clarifier dans le mandat cette distinction entre l'humanitaire, le civil et le militaire, ça veut dire notamment dans l'organigramme avoir un coordinateur humanitaire indépendant du volet militaire. Et du coup, qu'on ne se retrouve pas avec un chef de la Minusca qui dirige les différents volets y compris l'humanitaire. Et après au jour le jour, sur le terrain, (...) qu'on ait le moins d'actions qui puissent entraîner de la confusion, donc le moins de proximité entre des forces militaires et nous acteurs humanitaires. Que ce message-là soit porté par tous auprès des populations civiles et des groupes armés que l'humanitaire a une mission et le militaire en a une autre », explique-t-elle.

Des conséquences dramatiques

L’aggravation de la situation sécuritaire a des conséquences directes et dramatiques au plan humanitaire : 600 000 déplacés internes, 500 000 réfugiés et seulement 30 % des 500 millions de dollars demandés pour l’action humanitaire cette année de financés.

« On aimerait vraiment qu'on prenne la mesure de cette crise centrafricaine, une crise un peu oubliée aujourd'hui, et qu'on se rende compte qu'on va dans le mur en fait. Et qu'avant qu'on aille dans le mur, on est déjà sur des indicateurs très violents, très forts, qui montrent que la situation est vraiment très compliquée sur le terrain. Et on aimerait bien qu'on comprenne aujourd'hui que ça va s'empirer, qu'on va dans une situation humanitaire dramatique, et qu'il faudrait prendre des mesures aujourd'hui pour éviter d'arriver sur des situations comme on peut l'avoir en Somalie ou dans d'autres pays où vraiment on n'a plus accès et les populations sont dans des besoins extrêmement violents », explique Hélène Camus directrice RCA d’ACTED.

Les ONG comptent aussi sur cette visite du secrétaire général de l'ONU pour ramener les projecteurs de la communauté internationale sur cette crise centrafricaine.

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