Un mois à peine après avoir été inculpé pour fraude, le ministre des Finances est désormais mis hors de cause. Selon le procureur général – celui même qui a initié les poursuites – il n’y a aucune preuve que Pravin Gordhan avait l’intention d’agir contre la loi quand il a autorisé un départ anticipé à la retraite d’un haut fonctionnaire. Une affaire qui remonte à six ans.
Lors d’une longue explication devant la presse, le procureur Shaun Abrahams a tenté de justifier son retournement, expliquant qu’il n’était pas à l’origine de la procédure et qu’au vu des éléments en sa possession, il avait décidé d’abandonner les charges. « Rappelez-vous que je n'ai pas pris la décision initiale de poursuivre Mr Gordhan. Au vu des éléments qui m'avaient été présentés après que la décision ait été prise, j'étais convaincu que nous avions un dossier solide. Rappelez-vous que ce n'est que plus tard que j'ai vu le dossier sur lequel se sont appuyés les procureurs. »
Le procureur général sur la sellette
En tout cas, l’affaire a provoqué de vives tensions politiques au sein du gouvernement et du parti au pouvoir l’ANC. Le ministre des Finances lui-même a dénoncé le harcèlement, motivé par des considérations politiques, dont il est victime.
C’est désormais le procureur général qui est sur la sellette. Nommé il y a tout juste un an par le président Jacob Zuma, il est accusé de protéger les intérêts d’un chef de l’Etat éclaboussé par plusieurs scandales.
Pour l'opposition politique, il n'y aucun doute la justice est compromise et le procureur a été manipulé pour se débarrasser d'un ministre compétant, devenu gênant. « Tout le monde sait et voit bien qu'il s'agit d'une affaire politique, estime Dennis Bloom, porte-parole du parti Cope. Le président Jacob Zuma n'a jamais voulu de Pravin Gordhan comme ministre des Finances. Il lui a été imposé par son parti l'ANC, et c'est pour cela qu'il a essayé de l'inculper. »
Cope, le parti de gauche radicale de Julius Malema et l'Alliance démocratique, ont tous appelé à la démission du procureur Shaun Abrahams, nommé par Jacob Zuma il y a tout juste un an. « Il est en train de détruire la crédibilité de notre pays en inventant des chefs d'inculpation, s'insurge Musi Maimane, leader du principal parti d'opposition. S'il souhaitait réellement servir la justice, il se serait plié au jugement de la Haute cour de Pretoria et aurait réinstauré les quelque 780 chefs d'inculpation que nous avons déposés contre Zuma. Mais il est là pour servir son maitre Zuma, et non le peuple sud-africain. »
L'annonce de poursuite contre Pravin Gordhan avait provoqué un séisme politique.
Certains dénonçant une manoeuvre pour écarter un homme qui s'oppose notamment au chef de l'Etat sur la gestion des entreprises publiques et la lutte anti-corruption.
Enfin, pour ne rien arranger des affaires Zuma, la justice doit examiner ce mardi 1er novembre un recours déposé par le président Jacob Zuma. Celui tente de bloquer la publication d'un rapport de l'ex-médiatrice de la République. Un rapport qui pourrait être compromettant sur les liens entre le chef de l'Etat et une riche famille d'hommes d'affaire les Guptas, accusée de peser sur les choix du gouvernement.