Il était environ de 15 heures, heure de Lubumbashi, quand le cortège s'est arrêté au Rond-Point Carrefour. De là, Kyungu Mutanga, alias Gédéon, et une centaine de ses combattants, ainsi que les autorités locales représentées entre autre par le gouverneur de la province du Haut Katanga Jean-Claude Kazembe, sont descendus des véhicules pour une procession jusqu'au bâtiment du 30 Juin, siège de l'assemblée provinciale.
La fanfare, les majorettes, les groupes folkloriques, tous étaient mobilisés pour célébrer l'arrivée de celui qui, il y a encore peu, était la terreur du « triangle de la mort ». Désormais candidats au DDR, le programme de Désarmement, de démobilisation et de réinsertion, les combattants ont déposé leurs armes en signe de reddition avant d'être conduits au site de transit situé dans les environs du campus universitaire.
Condamné à perpétuité à la prison de Kasapa, à Lubumbashi, Gédéon avait alors réalisé une évasion spectaculaire, en pleine journée, en 2011, peu avant les élections.
Quid de la justice ?
Gédéon va-t-il être poursuivi, retourner en prison ou bénéficier d'une amnistie ? Une question à laquelle les autorités se gardent bien de répondre pour le moment. « Il est en résidence surveillée entre les mains de la justice », explique le gouverneur de la province Jean-Claude Kazembe.
Ce responsable local nie en tout cas la conclusion d'un accord politique avec le milicien. « Gédéon est conscient qu'il est sous le coup de la justice et qu'il devra répondre devant elle », précise l’officiel avant d'ajouter tout de même que le fait qu'il ait déposé les armes pourrait être reconnu comme une circonstance atténuante.
« Ce monsieur a déjà été condamné pour des crimes internationaux qui sont imprescriptibles. Aujourd’hui, on le retrouve et avec d’autres armes, ça veut dire qu’il était rentré commettre les mêmes crimes et on l’accueille en grande pompe. On devrait le poursuivre pour la récidive des crimes internationaux pour lesquels il a été condamné », déclare Hubert Tshiswaka Masoka, directeur de l'ONG Institut de recherche en droits humains (IRDH) basée à Lubumbashi.
Eviter une effusion de sang
Une autre question se pose : comment des circonstances attenantes pourraient s'ajouter à une condamnation à la peine de mort déjà prononcée en 2009 ? Pas de réponse non plus du côté de la justice. Le procureur du tribunal de Lubumbashi renvoie vers la justice militaire qui avait condamné le milicien à l'époque. Pour les autorités, le principal est d'avoir fait sortir Gédéon de la brousse sans effusion de sang.
Reste que le milicien, qui arborait un tee-shirt à l'effigie du président Joseph Kabila avec le slogan « reste longtemps » inscrit en langue Luba, est depuis longtemps accusé de bénéficier de certains soutiens haut placés.
En attendant, Kyungu Mutanga a été installé dans une résidence au quartier Golf. Il a fait part de son engagement en faveur de la paix. Sa milice Bakata Katanga a récemment pris le nom de Mira, pour Mouvement des indépendantistes révolutionnaires africains, un groupe politico-militaire qui devra bientôt se muer en parti politique, le Mouvement innovateur des révolutionnaires africains, a détaillé Thierry Mukelekele, un des cadres civils de l'organisation.