Dans le laboratoire de création Agit'art, un arbre centenaire étend ses branches pour former un toit de verdure au-dessus des installations artistiques. La cour qui a vu passer tant d'agitateurs culturels est aujourd'hui menacée : « Nous sommes des migrants », crie l'artiste et occupant des lieux, Joe Ouakam, en montrant quelques archives emballées dans l'urgence : « Que vont-ils faire des objets d’art, que vont-ils faire des oiseaux qui chantent dans une ville polluée à l’extrême ? Que vont-ils faire de ce qu’ils ne voient pas, et de ceux qui vivent ici ? Ce lieu doit être préservé ! »
Lieu de mémoire niché au cœur d'un centre-ville dakarois où les vieilles maisons sont peu à peu remplacées par des immeubles, la cour appartenait à un vieil ami de Joe Ouakam aujourd'hui décédé. Ses héritiers ont décidé de revendre et l'artiste a reçu plusieurs sommations de quitter les lieux. Depuis, c'est le statut quo qui règne. Le jeune artiste Ican travaille également ici : « C’est un patrimoine qui est là. Ce sont les archives qui sont là parce que ça a formé des artistes et des intellectuels. C’est un lieu de culte. »
Ces derniers mois, un comité de défense s'est formé. Tout en reconnaissant que les nouveaux propriétaires ont le droit de disposer de leur bien, ses membres estiment que c'est à l'Etat de racheter et de préserver cet espace. Joe Ouakam, lui, ne demande rien à personne et ne lance pas d'appel au secours. « Agit'art, dit-il, existera même sans la célèbre cour de Joe Ouakam. »