Au palais de justice de Paris, Franck Alexandre
Christine Muteteri porte encore les stigmates des massacres du 13 avril 1994 dans l’église de Kabarondo, au Rwanda. Une large cicatrice barre son visage, la trace indélébile d’un coup de machette qui aurait dû l’emporter. Christine Muteteri, 52 ans, cheveux noués, raconte : avec son mari et leurs quatre enfants, ils sont arrivés le 9 avril à Kabarando. Cette famille d’agriculteurs tutsis fuyait le génocide et la paroisse de Kabarondo était alors un lieu sûr qui, jusque-là, était resté à l’écart de la folie des hommes.
Si le bourgmestre avait dit non...
Comme Christine Muteteri l'explique, le bourgmestre (maire), Octavien Ngenzi, venait tous les jours accompagné de militaires, en réalité des membres de la milice hutue Interahamwe qui ont tiré sur l’église des heures durant. Son mari et son fils aîné sont morts sous les balles. Elle n’a rien oublié : les morts partout et les génocidaires qui ont fini par pénétrer dans le lieu de culte. Ses enfants serrés contre elle, Christine Muteteri se cachera sous les cadavres jusqu’à la tombée de la nuit. D’une voix douce, la rescapée dit à la cour et aux jurés : « Si le bourgmestre avait dit non, il n’y aurait jamais eu de génocide à Kabarondo ».
Octavien Ngenzi et son co-inculpé, Tito Barahira, qui l'a précédé à la charge de bourmestre, comparaissent depuis le début du mois devant les assises de Paris. Le procès devrait durer huit semaines.