C'est le troisième accès de mauvaise humeur du Maroc cette année contre un partenaire étranger. En mars, les contacts avaient été rompus entre Rabat et l'Union européenne, après une brouille sur la question du Sahara occidental. Quelques jours plus tard, c'est Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, qui avait essuyé la colère du roi Mohammed VI, autour de la même question. Ces fâcheries ne sont d'ailleurs pas encore soldées et entretiennent toujours un climat plutôt tendu entre le royaume et ses partenaires internationaux.
Aujourd'hui, ce sont les Etats-Unis qui sont sous le feu des critiques marocaines. L'ambassadeur américain à Rabat a été convoqué ce mercredi soir par le ministre délégué aux Affaires étrangères, en présence du chef du contre-espionnage. Cette convocation était accompagnée d'un long communiqué rageur du ministère de l'Intérieur. En cause : la mention, dans le rapport annuel du département d'Etat, de plusieurs cas d'emprisonnement abusifs et de torture en détention. Des cas dont le sérieux est contesté par les autorités marocaines.
Mais pour le professeur d'histoire politique à l'université de Rabat, Maati Monjib, cette réaction diplomatique est avant tout stratégique. « Le Maroc veut montrer aux pays du Golfe qu’il se positionne en leur faveur. Les pays du Golfe vivent leur plus grande crise avec les Etats-Unis depuis 1973 à cause du rapprochement irano-américain. (…) Donc le Maroc, qui a besoin de soutien économique, notamment à cause de la sécheresse, veut faire plaisir à l’Arabie saoudite et aux Emirats, qui le soutiennent beaucoup sur le plan financier, estime le chercheur. Ça va faire un froid qui durera deux ou trois mois et puis ça s’évanouira comme les autres crises conjoncturelles et passagères du passé. »
En 2014, la France avait déjà fait les frais de la susceptibilité du royaume marocain, après la mise en cause dans une affaire de torture, en France, du directeur du contre-terrorisme. L'ambassadeur de France avait lui aussi été convoqué et plusieurs mois de brouille diplomatique avaient notamment bloqué la coopération judiciaire entre Rabat et Paris.