Algérie: le pouvoir militaire un peu plus contesté

Une lettre surprenante est publiée ce samedi matin dans trois journaux. Elle est signée du général Toufik, l’ancien chef des services de renseignement. L’homme très puissant et habituellement très mystérieux, qui a été mis à la retraite, dénonce la condamnation d’un autre général, le général Hassan. Une prise de parole qui fragilise le pouvoir algérien.

Il se dit consterné par le jugement du tribunal militaire d’Oran. Le général Toufik, chef des services secrets, était le supérieur du général Hassan. Ce dernier, ex-chef de la lutte anti-terroriste, a été condamné il y a dix jours à cinq ans de prison ferme pour désobéissance.

Dans sa lettre, le général Toufik affirme que le général Hassan a suivi les règles et qu’il a été félicité pour ses résultats. Il écrit qu’il faut désormais « réparer une injustice » et « laver l’honneur des hommes qui se sont entièrement dévoués à la défense de l’Algérie ».

Cette lettre est la première d’un homme qui ne parle pas aux médias et qui refuse d’être pris en photo. Malgré 55 ans de service, le public ne le connait pas. Mais la condamnation du général Hassan a mis en colère de nombreux membres de l’armée et de personnalités politiques.

D’abord, l’homme est l’un des militaires les plus décorés du pays. Ensuite, la lutte anti-terroriste est un secteur très respecté. La prise de parole du général Toufik est une critique supplémentaire contre la hiérarchie militaire qui a décidé de juger le général Hassan. Et cette critique fragilise le pouvoir algérien déjà affaibli par la lutte pour la succession.

« Vacance du pouvoir »

Comment interpréter cette offensive médiatique du général Toufik au moment où le président algérien, Abdel Aziz Bouteflika, est de nouveau en France pour des examens médicaux ? Joint par RFI, Akram Kharief, journaliste algérien et spécialiste des dossiers Défense et Sécurité, considère que le général Toufik officialise ainsi le statut d’opposant et que son action va dans le sens de montrer une vacance du pouvoir.

« Entre la démission du général Toufik et aujourd’hui, il y a eu beaucoup de tentatives de déstabilisation de part et d’autre. Il y a eu des procès, il y a eu des initiatives politiques pro ou anti-Bouteflika. Certains ont même vu la signature du général derrière certaines actions politiques mais là, ça vient officialiser le statut d’opposant de cette personne », a-t-il déclaré.

« L’occurrence de l’absence du président du territoire national fait que le général Toufik met le doigt là où ça fait mal en disant, entre les lignes, qu’il y a une vacance de pouvoir et que le président n’assume pas totalement ses fonctions. C’est donc une brique qui vient s’ajouter au procès du général Benhadid qui avait dénoncé la quasi prise de pouvoir par le frère du président et qui vient s’ajouter également à l’initiative « des 19 », hommes et femmes politiques qui avaient demandé à rencontrer le président et qui disaient que son isolement était plus que suspect. C’est donc une troisième action d’envergure et d’éclat dans le sens de montrer cette vacance du pouvoir », a expliqué Akram Kharief.
 

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