RDC: Joseph Kabila porte plainte contre plusieurs personnalités

Une plainte d’une vingtaine de pages, rédigée par le conseiller spécial du président congolais pour la lutte contre la corruption, le blanchiment et le terrorisme au nom de Joseph Kabila, a été adressée au procureur général de la République. Cette plainte vise toute une série de personnalités politiques et de hauts fonctionnaires.

Impossible de mettre la main sur cette plainte ce jeudi matin. « Secret de l’instruction », répond-t-on au bureau du procureur de la République. Mais RFI a pu confirmer que cette plainte a bien été déposée chez le procureur et qu’elle vise une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles des personnalités politiques et des hauts fonctionnaires.

Selon une source proche du dossier, quatre gouverneurs de province, entre autres, et un ancien conseiller du président sont notamment visés par cette plainte : Moïse Katumbi, le très populaire gouverneur du Katanga, mais aussi Alphonse Ngoy Kasanji, gouverneur du Kasaï-Oriental, Alex Kande du Kasaï-Occidental, et Marcellin Cishambo, du Sud-Kivu. Enfin, l'ancien directeur de cabinet du président, Gustave Beya Siku est également visé. Tout comme des hauts fonctionnaires, dont certains seraient proches du Premier ministre actuel, Matata Ponyo.

Des personnalités importantes donc, issues de la majorité pour la plupart qui sont accusées de quatre types de fraudes : blanchiment d’argent, transfert frauduleux de fonds, fraude douanière ou encore détournement de deniers publics et corruption. La plainte demande au procureur général d’enquêter sur ces allégations de fraude.

Vives réactions

Le gouverneur du Sud Kivu, Marcellin Cishambo, s’est dit « surpris et déçu » par ce qu’il qualifie de « rumeurs ». Idem du côté du gouverneur du Kasaï-Oriental, Alphonse Ngoy Kasanji pour lequel cette plainte est une « folle et fausse rumeur ». « Il n’a jamais été question d’une quelconque plainte portée par le président ou par son conseiller spécial, tout ce qui a été dit à notre sujet est faux », a-t-il ajouté à l’issue d’une rencontre avec le président Joseph Kabila.

Moïse Katumbi, gouverneur du Katanga, affirme de son côté ne pas avoir été « officiellement saisi ». Mais l’homme qui s’est prononcé contre un troisième mandat de Joseph Kabila il y a quelques mois, dit aussi que « le procédé ne l’étonnerait pas ». Il dit avoir déjà eu affaire à la justice un an avant la présidentielle de 2011. « A l’époque, ça s’était terminé par un non-lieu », sous-entendant que les motivations de la plainte pourraient être politiques.

Enfin du côté du gouvernement, on se refuse à confirmer ou infirmer l’identité des personnes visées. « C’est un document avec une série de dénonciations faites par plusieurs personnes », a affirmé le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé. Selon lui, « il appartient au procureur de la République d’enquêter et de faire le tri. Il n’est pas bon de citer des noms ». Cinq hauts magistrats ont d’ailleurs été désignés pour enquêter sur cette affaire. Une enquête qui s’annonce explosive.

La toile congolaise s’emballe

Pour les réseaux sociaux, pas de doute, il s’agit d’une affaire politique. Notamment parce que la plainte vise des challengers potentiels de Joseph Kabila ou des partisans de l’alternance comme le gouverneur du Katanga, mais aussi des membres de l’entourage du Premier ministre Matata Ponyo. Même si aucun des deux ne s’est déclaré candidat pour le moment. « Kabila s’en prend aux futurs opposants » pouvait on ainsi lire sur la toile ou encore « La guerre est vraiment déclarée entre Kabila et Katumbi ».

Revanche politique ou volonté réelle de lutter contre la corruption ? C’est toute la
question. Cette plainte est en tout cas une première. Certains se réjouissent donc de l’ouverture d’une enquête. C’est le cas au Sud Kivu, où la société civile demandait depuis des mois que la justice s’empare de la question de la gestion financière de sa province.

Côté judiciaire, les instructions semblaient très claires, de ne communiquer sous aucun prétexte sur ce document d’une vingtaine de pages. Le bureau du procureur, mais aussi l’auteur de la plainte, le conseiller spécial du président de la République pour la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, sont restés muets.


■ Analyse de Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale de l’International Crisis Group (ICG)

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