La jeune fille de 16 ans semble la plus timide, seule assise sur son lit au fond de la pièce où toutes les blessées sont réunies. Impossible de se reposer entre les pleurs des enfants et les visites, sans parler de la douleur qui la lance malgré la perfusion. Mais Habiba accepte de raconter sa libération :
« Quand les soldats sont arrivés, il y a eu des échanges de tirs avec Boko Haram, c'est là que j'ai été touchée et beaucoup d'otages ont été tués à ce moment-là, témoigne-t-elle. Une dizaine sont morts. Notre groupe, nous étions à l'orée de la forêt, pas loin d'un village, c'est pour ça que l'armée a pu nous sauver en premier. Les autres groupes d'otages sont gardés plus profondément dans la forêt. »
Elle est l'une des rares à ne pas tenir un nouveau-né dans ses bras. Difficile de poser la question du viol. Habiba assure qu'elle n'en a pas été victime car elle a toujours refusé d'épouser un combattant, un rite musulman qui permettait alors à l'islamiste d'être en règle avec ses principes pour consommer l'acte sexuel avec la captive. « C'est quand tu refuses de les épouser que tu as des problèmes, explique-t-elle. Ils te menottent et t'enferment, et ils te fouettent tous les jours. Ils te menacent avec des armes. Certaines n'ont plus supporté la souffrance et ont accepté le mariage. »
Les combattants lisaient constamment le Coran à leurs otages, convertissant même celles qui étaient déjà musulmanes.