Des bureaux qui ouvrent à l’heure, des lecteurs de cartes biométriques qui fonctionnent... Contrairement aux couacs rencontrés lors du scrutin présidentiel, ces élections locales se sont plutôt bien déroulées. A la mi-journée, à Lagos, les électeurs s'étaient globalement tous enregistrés. Le vote s’est donc déroulé comme prévu l’après-midi, à tel point que dans certains bureaux, le décompte des voix était clos dès 17 h. Les premiers résultats sont attendus à partir de ce dimanche soir. Ils seront annoncés par chacun des Etats un à un, et non de manière centralisée dans la capitale, Abuja, comme ce fut le cas pour la présidentielle.
La Commission nationale électorale indépendante (Inec) a néanmoins déclaré, via son compte Twitter, avoir reçu de nombreuses plaintes concernant des irrégularités à plusieurs endroits et des cas d'intimidation des électeurs. Quelques violences ont par ailleurs été rapportées dans l’Etat de Katsina, au nord, ce qui a retardé le vote. D'autres tensions ont été constatées dans l’Etat de Rivers, dans la région pétrolifère du delta du Niger. Des tirs sporadiques ont été entendus par endroits et des protestations pour fraudes ont éclaté, mais les forces de sécurité ont maitrisé les poches de violences.
« J'ai même peur de voter »
A Buguma par exemple, le vote a été fortement perturbé. Selon les premières estimations, au moins quatre personnes sont mortes lors d'affrontements entre partisans du PDP (Parti démocratique populaire) de Goodluck Jonathan et de l'APC (Congrès progressiste) de Muhammadu Buhari. Un sympathisant de l'APC, d'après les informations recueillies par RFI, a même été décapité. Les échanges de tirs avaient commencé dès vendredi soir autour des centres de distribution de la Commission électorale de la ville, où était conservé le matériel nécessaire au vote. D'après des observateurs indépendants, trois centres ont été incendiés ainsi que plusieurs dizaines de véhicules.
Dans la zone de Mueketu, largement acquise au PDP de Goodluck Jonathan, la tension est montée d'un cran quand le gouverneur sortant, acquis à l'APC, est arrivé dans un bureau de vote. Il a assuré qu'il intervenait après l'agression d'un agent de la commission électorale. Les jeunes du PDP nient toute tentative d'intimidation. Le bureau a été bouclé par les forces de sécurité, au grand dam de John, qui espérait pouvoir voter : « Les autochtones se plaignent que le gouverneur n'a rien fait pour eux, donc qu'ils ne peuvent pas voter dans son sens. Je suis tellement déçu. Vous voyez, j'ai ma carte biométrique, je veux voter, mais c'est impossible avec ce qui est train de se passer, donc je ne suis pas content. Avec tous ces uniformes, j'ai même peur de voter. »
La question de l'abstention
L'intervention du gouverneur sortant a été mal vue par des électeurs qui n'ont pas encore digéré la défaite de Goodluck Jonathan, le premier président nigérian issu de la région. Gladys est consternée par ce spectacle et par l'argent dépensé pour les campagnes électorales. « J'étais aux Etats-Unis quand Obama et Romney s'affrontaient, raconte-t-elle. Tu t'enregistres, tu votes et tu rentres à la maison. Mais ici, tu donnes de l'argent aux gens pour leurs votes. Je suis une retraitée et depuis janvier, je n'ai pas reçu ma pension. Je suis une veuve, on souffre ! Au marché, le poisson était si cher que je n'ai pas pu en acheter. » D'après le gouverneur sortant, c'est parce que son budget a été réduit de moitié à cause de la corruption et de la baisse du prix du baril de pétrole que les retraites n'ont pas encore été payées.
Il y a bien eu des endroits où le vote a vraiment eu lieu dans certaines parties de l'Etat de Rivers, mais ils sont rares. Comme à Mueketu, de nombreux bureaux n'ont pas pu ouvrir ou alors très tard, après que des agents de la Commission électorale ont été battus ou intimidés. Pire, dans certains hameaux, des bandits armés ont fait irruption et ont tiré sur les villageois. De nombreuses feuilles de résultats ont été volées. Des rumeurs sur la circulation de matériel falsifié ont été démenties par la Commission électorale à Port Harcourt samedi après-midi. Les soupçons de manipulation sont grands. Les observateurs évoquent une abstention très importante qui pourrait permettre aux différents partis de bourrer des urnes.