Du côté de la défense, on maintient qu’il s’agit d’un procès où la justice n’a pas été dite, rappelant que les dossiers concernant la plupart des accusés sont vides de preuves, vides d’éléments à charge et que, comme l’a dit Me Mathurin Dirabou, doyen des avocats, sur RFI, il s’agit d’une « justice à la tête du client ».
Maître Habiba Touré, dont la cliente n’est autre que Simone Gbagbo, a déclaré pour sa part à l’AFP, que « le verdict est à l’image du procès : honteux et scandaleux ». Et de dénoncer « une justice instrumentalisée ». Ces avocats comptent se pourvoir en cassation suite à ces lourdes condamnations.
Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau français de Human Rights Watch, estime également que ce procès « n'a pas été mené conformément aux normes en vigueur en matière de procès équitable » et qu’il n’a pas permis de juger Simone Gbagbo pour « les crimes de sang dont elle est accusée par la Cour pénale internationale : des violations de droits humains contre des personnes physiques. Ces personnes méritent justice et pour l’instant, cette justice, elles ne l’ont pas vu venir en ce qui concerne la responsabilité de Madame Gbagbo. »
Selon l’ONG, la Côte d’Ivoire n’était pas en mesure d’offrir un procès équitable à Simone Gbagbo et rejoint ainsi la Cour pénale internationale qui avait émis le même avis en décembre dernier, comme l'explique Jean-Marie Fardeau : « Nous ne voyons pas cette procédure avancer en Côte d’Ivoire, et nous voulons prendre pour preuve que la Cour pénale internationale, qui a étudié de près les conditions dans lesquelles la Côte d’Ivoire mène cette enquête, estime que pour l’instant, les conditions ne sont pas réunies pour que la Côte d’Ivoire garantisse une justice de qualité. C’est pourquoi la Cour pénale demande encore le transfert de cette enquête à la Haye. Donc pour Human Rights Watch, cette obligation reste impérative et la Côte d’Ivoire devrait coopérer plus activement avec la Cour pénale sur ce plan là ».
Du côté du Rassemblement des républicains (RDR), le parti du chef de l’Etat Alassane Ouattara, on estime au contraire que les victimes ivoiriennes ont avec ce verdict de quoi enfin se mettre du baume au cœur dans un pays résolument engagé dans la lutte contre l’impunité.
Joël N'guessan, porte-parole du RDR, n’exclut pas la possibilité d’une grâce présidentielle, plus tard, en faveur des condamnés.
Et dans la rue, les Abidjanais que RFI a pu croiser, ce mardi après-midi, sont assez partagés. Les plus véhéments parlent, eux aussi, d’une « justice des vainqueurs », d’une
« justice instrumentalisée » par le camp d’en face – entendez les soutiens militaires de Alassane Ouattara pendant la crise post-électorale – qui, eux, n’ont pas encore eu à répondre de leurs actes.
Les plus modérés des Ivoiriens espèrent qu’avec ce procès, l’éventualité d’une amnistie ou bien d’une grâce présidentielle, la Côte d’Ivoire arrivera à tourner la page de cet épisode douloureux de son histoire pour arriver à cette réconciliation nationale dont on parle beaucoup à Abidjan, mais dont on a encore du mal à percevoir les effets.
A écouter sur RFI : Patrick Baudouin, président d'honneur de la FIDH ( Fédération internationale des droits de l'homme) qualifie ce procès d'« éminemment politique, un procès qui a donné lieu à une instruction que l'on peut qualifier de bâclée » - cliquez ici. D'autres réactions à lire et écouter dans la revue de presse africaine du jour