De notre envoyé spécial à Monrovia, Sébastien Nemeth
Ils sont peut-être 300 à crier, chanter et surtout prier pour qu’Ebola disparaisse. Les croyants viennent écouter les sermons du révérend Clarence Paye Junior. Selon le pasteur, le virus a renforcé la ferveur. « Il pensent que seul Dieu peut régler ce problème. Personne n’a encore trouvé de solution. Donc les gens cherchent une intervention divine. Tout cela est très humain, explique le révérend. Quand on affronte une tragédie, on cherche un refuge. C’était pareil au temps de la guerre civile. Les gens venaient ici pour chercher la sécurité. Mais aujourd’hui, l’ennemi est invisible. Il est plus dangereux que les balles. »
Le révérend est ingénieur de formation. Il a donc gardé un peu d’esprit cartésien : « Je suis un scientifique, je crois en la médecine. Si quelqu’un est malade, après la prière je l’emmène à l’hôpital. Dieu nous a donné les connaissances médicales pour survivre. Donc c’est l’homme qui vous traite, mais au final c’est Dieu qui guérit.»
Ezechiel Glasgow est dans le public. Depuis l’arrivée d’Ebola, il va à l’église trois fois par semaine. « Les mouvements ont été réduits. On ne va plus voir nos familles. Moi, je me sens plus en sécurité dans l’église qu’à l’extérieur », dit-il.
Mais quelle sécurité dans une telle foule ? Pour faire face au virus, beaucoup de rassemblements sont interdits. Les églises, elles, ne désemplissent pas.
« Je pensais qu'Ebola n'existait pas »
Notre envoyé spécial poursuit ses reportages au plus grand camp de traitement d’Ebola du monde, le plus sûr de tout le Liberia, à Monrovia.
Cézé Mova enlève ses gants, bottes, masque, pas à pas. En théorie immunisé depuis sa guérison, il continue à utiliser une protection maximale. L’homme revient de la zone rouge, où vivent les malades confirmés. Fin août, il était à leur place, agonisant.
« Un jour j’ai ressenti une violente douleur à la tête », se souvient-il. « J’ai commencé à vomir. On m’a d’abord dit que c’était la malaria. Puis on m’a testé positif pour Ebola. On disait que le virus tuait tout le monde. J’étais certain de mourir. Alors j’ai pleuré. Avant, je pensais qu’Ebola n’existait pas. Je croyais qu’en buvant de la bière Guinness, je serais protégé du virus, que je ne serais jamais malade. C’est ce que je croyais. »
Cézé Mova a passé douze jours en zone rouge, à se battre contre Ebola. Il raconte douze jours d’un long cauchemar.
« Je restais allongé, j’étais trop faible. Des fois j’arrivais à me lever pour aller prendre un bain de soleil. C’est tout. Je voyais des agents ramasser des corps autour de moi. Chaque jour je pensais que j’allais être le prochain. J’ai dit au médecin que si je m’en sortais, je voulais revenir aider les autres. Il a répondu "Guéris d’abord on verra ensuite". J’ai survécu, et je suis revenu. »
L’homme fait désormais partie de l’équipe psycho-sociale. Son expérience de survivant est une aide précieuse pour les malades.
« Je prends soin d’eux, je les aide à se doucher, à se nourrir, je leur parle. Je leur dis que si j’ai pu m’en sortir, eux aussi peuvent s’en sortir. Je raconte que pendant mon traitement, je ne pouvais presque pas marcher et maintenant me voilà, fort sur mes deux jambes. Donc si j’ai réussi toi aussi tu peux. »
Centre d'appel
En attendant, les nouveaux cas continuent de se multiplier dans le pays. Pour faire face à l'afflux de signalements, une plateforme téléphonique spéciale d’urgence pour Ebola a été créée. Le numéro est désormais connu de tous dans le pays. La ligne est gratuite et ouverte 24h/24 depuis deux mois. Une première dans le pays. Une centaine de personnes, pour la plupart volontaires, répondent à la détresse des Libériens qui appellent pour signaler un nouveau malade ou un mort d’Ebola. Ils sont chargés ensuite de contacter le ministère de la Santé, ou la Croix-Rouge s’il s’agit de ramasser un cadavre.