Nathalie Poux et Marc Trevidic poursuivent leur enquête en Algérie. Ils sont ce mercredi 15 octobre au monastère Notre-Dame de l’Atlas à Tibéhirine où les sept moines français ont été enlevés en 1996. Mardi, les deux juges antiterroristes français, accompagnés de leur équipe d’experts, ont assisté à l’exhumation des crânes supervisée par un magistrat algérien. Des prélèvements ADN ont notamment été effectués ainsi que des examens radiologiques. L’objectif est de savoir si ces crânes présentent des impacts de balles et si les décapitations ont eu lieu avant ou après la mort des moines dont le reste des corps n’ont jamais été retrouvés. Des analyses réalisées dix-huit ans après les faits, ce que regrettait le juge Trevidic quelques jours avant de partir pour Alger. « J’attends que les experts nous donnent enfin des données. C’est anormal que dans une affaire criminelle de cette taille, il n’y ait jamais eu d’autopsie », déplorait sur la chaîne Arte le juge antiterroriste français.
La justice algérienne en première ligne
Cette enquête est réalisée conjointement avec la justice algérienne et est le fruit de longues tractations. C’est en 2007 que Marc Trevidic récupère ce dossier d’abord instruit par son prédécesseur, le juge Jean-Louis Bruguière. En 2011, il lance une commission rogatoire internationale et ce n’est que deux ans plus tard, suite à une visite officielle du président François Hollande dans le pays, qu’Alger donne son accord pour cette exhumation. Une autorisation assortie de conditions très précises, officiellement au nom du respect de la souveraineté nationale : l’exhumation doit être faite par un magistrat algérien et les juges français ne peuvent mener directement les interrogatoires des témoins clés. Ce juge algérien en charge du dossier doit lui-même se rendre en France dans quelques jours pour auditionner deux membres des services secrets français.
Dissiper les doutes
Pour autant, certains témoins ne seront pas entendus, ce qui donne l’impression qu’il y a encore une forme de chape sur cette affaire. Une rétention d’information qui entretient les doutes. Alors, les juges français sont à Alger pour essayer de lever ces doutes. Trois scénarios sont encore possibles dix-huit ans après la mort des moines. Il y a d’abord la version des autorités algérienne qui ne convainc toujours pas l’ensemble des acteurs. Officiellement, les sept moines ont été exécutés par le Groupe islamique armé sur ordre de son émir Djamel Zitouni. A l’époque, le GIA avait d’ailleurs revendiqué cet enlèvement, mais certains continuent d’émettre l’hypothèse selon laquelle ces assassinats auraient pu être téléguidés par les services de renseignements algériens.
Enfin, dernier scénario, celui de la bavure de l’armée algérienne qui aurait tué par accident les moines en lançant une attaque par hélicoptère contre les ravisseurs et qui aurait, après leur mort, décapité les sept moines pour maquiller cette bavure. En Algérie, les juges français espèrent donc parvenir à dissiper ces doutes.