Pour les autorités somaliennes, la question n'est pas de savoir si les shebabs vont venger la mort de leur chef mais où et quand ils le feront. Bien qu'affaiblie militairement, la milice jihadiste conserve une immense capacité de nuisance. Le 31 août dernier par exemple, des terroristes ont fait exploser une voiture piégée dans l'enceinte même des services de renseignement avant d'enclencher une fusillade avec les policiers.
Un mois plus tôt, les shebabs avaient lancé une attaque contre les bâtiments ultra sécurisés de la présidence somalienne. Autant dire qu'ils ont parfaitement la capacité de frapper la capitale et le coeur du pouvoir à tout moment.
Depuis le raid mené par les forces américaines lundi dernier contre leur chef suprême, les shebabs sont restés silencieux et n'ont pas confirmé la mort de leur leader. Certains analystes estiment que les jihadistes sont en train de réorganiser leur direction et ne devraient pas tarder à s'exprimer. Mais dans l'espoir de profiter du choc créé par mort de Godane, le président somalien a tendu la main vendredi aux miliciens, en leur promettant une amnistie s'ils déposaient les armes dans les 45 jours. Une tactique employée régulièrement et qui porte parfois ses fruits. Fin août un seigneur de guerre de la région de Kismayo, Barré Hiralé, avait accepté de déposer les armes avec une centaine de combattants.
■ PORTRAIT : Qui était Ahmed Abdi Godane ?
Ahmed Abdi Godane dirigeait l'organisation al-Shebab depuis 2008. Il avait pris la tête du mouvement à la mort d'Aden Haschi Ayro, tué dans un raid aérien américain et après un court interrègne de Sheik Muktar Robow.
Natif d'Hargeisa dans le Somaliland, formé au Soudan, au Pakistan, et en Afghanistan, il était réputé pieux et féru de poésie dans la tradition somalienne des guerriers poètes. Dès 2003, il rejoint al-Ittihad al-Islami, groupe armé wahhabite somalien avant de contribuer à l'émergence du mouvement shebab. A la fois guide spirituel et chef militaire, il affronte avec beaucoup de difficultés les offensives de l'Amisom, la force africaine déployée en Somalie qui dès 2011-2012 regagne du terrain face aux shebabs.
Malgré les défaites, le mouvement réussit à conserver des bastions au sud de la Somalie. Mais surtout, il internationalise sa lutte en lançant une série d'actions et d'attaques en Ouganda et au Kenya, dont l'assaut du centre commercial de Westgate à Nairobi en 2013. Cette année marque aussi une fronde au sein du mouvement shebab où certains chefs militaires contestent son autorité. Ahmed Abdi Godane réagit par une purge sanglante. Parmi les personnalités assassinées en 2013 figurait Ibrahim al-Afghani, son frère d'armes, issu du même clan que lui.