Lesotho: les rivalités politiques fragilisent le pays

Le Lesotho, monarchie constitutionnelle de deux millions d’habitants, enclavée dans l’Afrique du Sud, a fait les titres cette semaine en raison d’un coup d’Etat. Samedi 30 août, le Premier ministre Thomas Thabane a fui le pays dénonçant le coup de force de l’armée. Depuis, il est rentré à Maseru et la SADC a pris en charge la résolution de la crise.

De notre correspondante à Johannesburg,

Derrière cette rivalité politique, il y a l’armée et la police. L'armée est soupçonnée d'être sous l'autorité du vice-Premier ministre, tandis que la police serait plutôt fidèle au Premier ministre Thabane.

Samedi dernier, l’armée s’est déployée dans la capitale, Maseru, et a encerclé le quartier général de la police. Elle a assuré qu'elle n’entendait pas prendre le pouvoir, mais qu’il s'agissait seulement de désarmer les policiers qui s'apprêtaient à livrer des armes à « des partis politiques ». Elle a ensuite regagné ses casernes. Le Premier ministre, averti de ce mouvement, a fui en Afrique du Sud, dénonçant un coup d’Etat.

Une histoire de rivalité

Pour Dimpho Motsamai, de l’Institut pour les études de sécurité à Pretoria, il ne s’agit pas d’un coup d’Etat, mais d’une rivalité entre le chef de l’armée et le chef du gouvernement : « Le chef des forces armées, le général Kamoli, devait être congédié par le Premier ministre. Il a donc organisé cette opération pour éviter d’être renvoyé. Les mauvaises relations entre les deux hommes sont anciennes. Dès le début, quand le Premier ministre a prêté serment, le général Kamoli a clairement indiqué qu’il ne reconnaîtrait pas son autorité. Je dirais qu’il y a plutôt une tentative de saper l’autorité du Premier ministre. C’était une façon de le menacer. »

Lundi, les différents partenaires de la coalition se sont rencontrés à Pretoria sous l’égide de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) et se sont mis d’accord sur une feuille de route. Après des négociations intenses, les leaders de la coalition ont accepté de travailler ensemble et ils se sont mis d’accord sur la levée de la suspension du Parlement. C’était l'une des exigences des partis dans la coalition. Le Parlement devrait rouvrir le 19 septembre. De son côté, l’organisation régionale a décidé d'envoyer un facilitateur, qui va aider au dialogue, ainsi que des observateurs politiques, de défense et de sécurité. Il s’agit d’un accord de sortie de crise, mais les problèmes de fond ne sont pas réglés.

La méfiance entre les différents partenaires de la coalition bloque le gouvernement. Le chef de l’armée refuse de quitter son poste. Pour Tsoeu Petlane, directeur d’un groupe de réflexion à Maseru, au Lesotho, les défis à venir sont énormes : « D’après ce que nous entendons le Premier ministre compte dissoudre le Parlement dès sa réouverture, donc cela veut dire des élections. Ca va être le prochain défi. Je ne sais même pas si c’est réaliste. Et puis, je ne sais pas en quoi des élections règleraient le problème de confiance entre les leaders politiques. A moins qu’un parti ne gagne avec une majorité absolue et soit seul au gouvernement, il y aura toujours ce problème de confiance entre les leaders politiques. »

L'implication sud-africaine

La situation reste encore très instable, d’autant plus que la police sud-africaine assure pour l'heure la sécurité du Premier ministre Thabane. C’est elle qui l’a fait rentrer dans son pays et qui l’a escorté jusqu'à la capitale. Une implication qui s’explique par les répercussions que cette crise pourrait avoir chez son voisin. L'instabilité du Lesotho pourrait menacer l’Afrique du Sud de plusieurs façons. Economique d’abord, car le Lesotho fournit de l’eau et de l’électricité à l’Afrique du Sud. Les évènements peuvent menacer son approvisionnement.

Des milliers d’habitants du Lesotho travaillent par ailleurs chez leur voisin. Le pays est pauvre. Une instabilité supplémentaire pourrait accentuer une émigration vers l’Afrique du Sud qui connaît déjà 25% de chômage. Il y a aussi une menace sécuritaire : si la sécurité s’effondre à l’intérieur du pays, il y aura moins de contrôle des frontières et cela sous-entendra une augmentation des trafics.

A tous les niveaux, l’Afrique du Sud est perdante. D'autant qu'elle assure la présidence de la Commission de défense et sécurité de la SADC, et donc à ce titre est responsable de la stabilité dans la région. Et Pretoria ne veut surtout pas d’un autre voisin instable.

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