Affaire Talon: les accusés maintenus en détention

Les six personnes toujours détenues au Bénin dans l’affaire Patrice Talon, cet homme d’affaires franco-béninois accusé d’avoir voulu empoisonner le président Boni Yayi et que la France a refusé d’extrader, restent en prison. La Cour suprême de Porto-Novo a décidé ce vendredi soir d’annuler les arrêts de la cour d’appel qui avait rendu un non-lieu en faveur de ces personnes en juillet dernier.

Les cinq juges de la Cour suprême ont délibéré pendant quatre heures avant d’annoncer leur décision d’annuler les arrêts de la cour d’appel de Cotonou en juillet dernier. Ceux-ci confirmaient les non-lieux du juge d’instruction en charge de l’affaire. La Cour suprême ne remet pas en cause ces non-lieux sur le fond, mais sur le droit. Elle considère que les juges ont appliqué des articles de l’ancien code de procédure pénal, au lieu de ceux du nouveau code qui venait juste d’entrer en vigueur, et qu’il s’agit donc d’une violation de la loi.

Par conséquent, les six personnes emprisonnées malgré les non-lieux restent en détention. Les deux dossiers de tentative d’empoisonnement et d’atteinte à la sûreté de l’État devront repasser devant la cour d’appel, composée de nouveaux juges.

Après lecture de la décision par le président de la Cour, aucune réaction n’a eu lieu dans la salle d’audience. Les avocats de chaque partie ont rapidement quitté les lieux. Les défenseurs du président Boni Yayi ont estimé qu’il s’agissait d’une victoire du droit. « Le bon sens n’a pas prévalu sur le bon droit », a regretté un avocat des personnes emprisonnées. Et d’ajouter : « Malheureusement, elles vont continuer de subir la détention ».

Parmi les six personnes maintenues en détention, Zoubérath Kora, nièce et ancienne gouvernante du président, son médecin personnel Ibrahim Mama Cissé, l’ancien ministre Soumanou Moudjaïdou et le garde du corps Adjani Sika Bachirou sont poursuivis pour tentatives d’empoisonnement. Le conseiller financier de Patrice Talon, Johannes Dagon, et le commandant en chef Zomahoun sont quant à eux poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’État. Voilà dix mois qu’ils sont en prison. Une détention jugée illégale et arbitraire par leurs avocats.

Ce vendredi soir, après la décision de la Cour suprême, l’un de leurs défenseurs, maître Joseph Djogbenou, s’est dit déçu et empli de crainte sur les intentions du pouvoir exécutif :

« Je suis totalement déçu par une justice qui ne voit que les dossiers, que les papiers. Je suis totalement déçu par la non-prise en compte de la réalité des personnes qui sont en détention, totalement déçu par le fait que la Cour suprême n’a pas cassé les arrêts parce que les faits auraient été mal qualifiés mais parce que, au moment où la chambre d’accusation rendait sa décision, une nouvelle loi de procédure pénale est intervenue et qu’au lieu de viser les dispositions de la nouvelle loi, elle a visé celles de l’ancienne loi, sans que le contenu n’ait varié.

J’ai l’impression qu’on a organisé au profit de monsieur Boni Yayi une séance de rattrapage. La crainte est totale. Je pense que cette affaire est essentiellement politique. »

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