Présidentielle algérienne: Ali Benflis confiant malgré la fraude

Agé de 69 ans, ex-premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika (2000-2003), et ancien secrétaire général du FLN, Ali Benflis est l'un des six candidats à la présidentielle du 17 avril. En 2004 il s'était déjà opposé, sans succès, au chef de l'Etat. Après avoir disparu pendant dix ans de la scène politique politique, il se relance dans la bataille.

RFI : Bonjour Ali Benflis. Pourquoi aujourd’hui cette nouvelle candidature ?

Ali Benflis : Eh bien tout simplement parce que le gagnant en 2004 c’était la fraude. Et puis en 2009 je ne me suis pas présenté parce qu’à la veille de 2009, en 2008, il y a eu un viol de la Constitution qui a levé les verrous des deux mandats. Alors je ne me faisais pas d’illusion sur l’issue de 2009. La fraude a été le champion et le gagnant de 2009.

Et j’ai pris dix années pour visiter tout le pays, pour faire la traversée de l’Algérie et non pas la traversée du désert. J’ai rassemblé tous mes soutiens de 2004, je les ai multipliés par – je ne sais pas – par 40, 50, 60 %...

à (re)lire : Ali Benflis en meeting à Tizi Ouzou

Mais qu’est-ce qui vous fait penser qu’aujourd’hui le scrutin sera transparent, plus transparent qu’en 2004 et en 2009 ?

Je ne dis pas qu’il sera transparent. Je sais que la fraude a commencé. On a malmené les registres d’Etat civil, l’administration est instrumentalisée, le gouvernement est devenu le comité de soutien… Mais malgré tout cela, j’ai un accueil dans toutes les salles, au point que rentrer dans une salle pour le candidat que je suis, ou en sortir, devient un problème parce que tout le monde veut m’embrasser, tout le monde veut me saluer…

Mais Alis Benflis, vous êtes bien conscient qu’en participant en étant candidat vous cautionnez inévitablement cette élection que vous dites déjà frauduleuse !

Je ne suis pas dans cet état d’esprit, je ne cautionne rien du tout. Je m’adresse au peuple algérien et je leur dis ceci : je ne suis pas venu pour crédibiliser une élection, je suis venu utiliser les médias publics qui sont interdits à toute la classe politique pendant toute l’année. On ne permet cela que durant les vingt jours que dure la campagne électorale. Alors je profite de cette occasion-là pour dire au peuple algérien que je suis là.

Ce qui compte pour vous finalement c’est d’avoir une tribune ? Vous ne vous faites aucune illusion sur l’issue de cette élection ?

Non, non, non... Je ne dis pas cela ! Je dis que je vais gagner, parce que si tout ce monde-là qui me soutient, est là et est présent dans les urnes, je ne vois pas comment quelqu’un d’autre pourrait gagner ! Les gens ne se laisseront pas faire le jour du vote ! J’ai 60 000, ou presque, observateurs désignés par moi dans les bureaux de vote ! Il y a le portable maintenant ! Il y a Facebook ! Il y a tous ces jeunes qui attendent et qui immédiatement quand ils vont voir quelque chose, ils vont se plaindre ! Ce n’est plus l’Algérie de 2004 !

Est-ce que finalement ce qui vous a décidé c’est peut-être que vous ne pensiez pas au départ qu’Abdelaziz Bouteflika briguerait un quatrième mandat ?

Jamais, jamais, jamais !… Je me prépare depuis dix ans ! Peu importe les candidats et je respecte tout le monde. Je n’ai pas de problèmes avec les candidats.

Mais ce quatrième mandat a été une surprise pour vous, quand de même.

Non, pas du tout. Pas du tout… Rien ne m’a étonné. Ni la révision de 2008, ni le quatrième mandat...Ce n’est pas mon problème. Mon projet c’est moderniser l’Algérie. C’est cela qui m’intéresse.

Vous avez été le Premier ministre d’Abdelaziz Bouteflika, vous avez aussi dirigé – on se souvient – le FLN. Et vous revendiquez aujourd’hui d’ailleurs, le soutien de personnalités du parti présidentiel. En quoi vous vous démarquez aujourd’hui, du système qui est au pouvoir ?

J’ai quitté le gouvernement le 5 mai 2003. Donc, avoir appartenu au système, si ça vous plaît de dire cela, ça ne me dérange nullement. Jusqu’en 2003 on n’a jamais crié au scandale. On n’a jamais dit qu’il y avait telle ou telle affaire. Tout ce qui s’est passé c’est la dernière décennie. L’essentiel c’est de voir ce que le peuple pense. Même un adversaire politique peut dire de moi je suis un homme du système, que je suis d’un âge avancé… Mais je revendique l’âge que je porte. Je n’ai pas vingt ans, mais je fais mon sport trois fois par semaine et je peux courir. Je ne fais pas les 5 000 mètres, mais je me débrouille, je crapahute.

Ali Benflis, lors d’un de vos meetings vous avez déclaré qu’il était inacceptable qu’une partie de la population soit exclue aujourd’hui du champ politique. Vous tendez la main à qui ? Aux islamistes du Fis ? Et concrètement, que comptez-vous faire ?

Je compte réunir, ou organiser plutôt, si j’étais élu, un dialogue qui n’exclura aucune personne qui rejette la violence. La politique que c’est le fait d’apporter un projet. La violence ce n’est plus de la politique. Tous ceux qui se réclament de l’action politique ont leur place dans la société de libertés que j’entends donner au peuple algérien, de la société de liberté « s » avec un S. On n’exclut pas quelqu’un parce qu’il veut porter une barbe ou parce qu’il a un avis ou des idées différentes des miennes. Voilà.

Ali Benflis, si vous êtes vaincu le 17 avril, seriez-vous prêt, si on vous le propose, à accepter un poste de Premier ministre ou de vice-président, si ce poste-là est créé ?

Accepter un poste de Premier ministre si je n’étais pas élu ou de vice-président ?… Ce n’est pas ma conception de la politique. L’Algérie a besoin de neuf ! Le neuf c’est la démocratie, c’est l’accès au pouvoir à travers l’urne. Dans ma culture il y a un seul souverain dans le monde et c’est Dieu. Mais au niveau des Etats, le seul souverain c’est le peuple.

Ça veut dire que si on vous fait cette proposition vous refuserez ?

Je n’aime pas les solutions par le haut. Les solutions doivent venir à ce niveau-là ; du peuple. Le peuple algérien veut un changement pacifique. Je suis prêt à apporter ma contribution au changement démocratique.

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