C'est uniquement pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité que Germain Katanga a été condamné. Pour enrôlement d'enfants soldats comme pour l'utilisation du viol comme arme de guerre, il a été déclaré innocent.
Pour rappel, le 24 février 2003, ses miliciens, les FPRI s'étaient lancés à l'assaut du village de Bogoro. Germain Katanga, leur chef, a été reconnu coupable de complicité pour avoir facilité et coordonné l'approvisionnement en armes qui ont servi à massacrer quelque 200 personnes dans ce village, tuées par balle et par machettes. Une soixantaine seulement de ces victimes avaient été identifiées et il s'agissait en majorité de femmes, d'enfants et de personnes âgées, ont assuré les juges.
Plus qu’une simple rivalité entre milices
Ce qui pour eux démontrait bien qu'il s'agissait plus que d'une simple rivalité entre milices rivales ; les civils, eux aussi étaient visés. Ils ont estimé que les faits dépassaient le cadre d’une lutte entre les FPRI de Germain Katanga et les UPC de Thomas Lubanga, déjà condamné par la CPI à 14 ans de prison pour enrôlement d'enfants soldats.
Un verdict qui est déjà une victoire pour le bureau du procureur qui avait échoué à prouver en décembre 2012 que l'adjoint de Germain Katanga était lui aussi responsable. Mathieu Ngudjolo Chui avait été acquitté par la CPI. Le bureau du procureur et la défense peuvent évidemment faire appel de cette décision. Il s'agit d'un jugement en première instance. La peine sera fixée lors d'une audience ultérieure.
« Un dysfonctionnement total »
Mais pour Alain Uaykani, ce verdict est largement insuffisant par rapport à la gravité des crimes commis. Recruté à la sortie de l’école alors qu’il n’avait que 13 ans, il a été pendant deux ans, de 2002 à 2004, le garde du corps de Thomas Lubanga :
« La cour a montré un dysfonctionnement total dans sa manière de travailler et la façon dont ce procès a été entamé. Si les choses n’ont pas été bâclées au niveau des témoins, je pense que ça l’a été au niveau des enquêteurs parce qu’aujourd’hui en Ituri, n’importe qui peut tout de suite montrer que le FRPI massacre, viole, prend en otage, recrute des enfants-soldats et incendie peut-être le village. C’est ce qui est connu. Le FRPI, comme Thomas Lubanga, n’a jamais eu de militaires professionnels ; ce n’étaient que des enfants ramassés dans tous les villages de l’Ituri. C’est incroyable que des gens qui sont censés être des experts ne soient pas capables de démontrer cela. »
Suite à la condamnation de Germain Katanga, des associations de défense des victimes demandent à la CPI de revoir ses méthodes de travail pour être plus efficaces. Elles l’appellent notamment à envoyer les enquêteurs sur le terrain. « Il y a beaucoup de choses à refaire, à améliorer, aussi bien au niveau des enquêtes du bureau du procureur que de la coopération des États avec la Cour pénale internationale […] Il y a aussi une difficulté qui concerne le travail des enquêteurs. On ne peut pas avoir des renseignements ou des informations fiables quand on est loin du lieu ou les crimes où les violations ont été commises », considère ainsi Armel Luhiri, de l’ONG Héritiers de la justice.