Egypte: série d'attentats à la veille de l’anniversaire de la révolution

Le quartier général de la police, au Caire, a été la cible d’un attentat-suicide, ce vendredi à l’aube. Puis trois autres explosions se sont produites dans la capitale égyptienne. Ces attentats, dont le bilan provisoire est de six morts et 85 blessés, surviennent alors que l’Egypte célèbre, samedi, le troisième anniversaire de la révolution. Des violences ont ensuite éclaté dans le pays, causant la morts de 13 autres personnes.

Article mis à jour régulièrement avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti

Quatre attentats. Le quartier général de la police du Caire a d'abord été la cible d'un attentat-suicide, ce vendredi à l'aube. Selon les témoins, une camionnette conduite par un kamikaze a tenté de forcer l’entrée de l’enceinte du quartier général de la police au Caire, vers 6 h 30, ce vendredi matin.

Les gardes lui ont tiré dessus, mais le kamikaze est parvenu à faire exploser le véhicule. Selon un bilan dressé par le ministère de la Santé et celui du ministère de l’Intérieur, quatre personnes ont perdu la vie dans cette explosion, qui a aussi fait des dizaines de blessés.

Les experts estiment que la charge explosive aurait été de plusieurs centaines de kilos et que le musée islamique et les archives nationales voisines, situés en face du quartier général de la police, ont été touchés. L’attentat a été commis un vendredi, jour du Seigneur en pays d'islam.

Il n’y avait donc pas beaucoup de monde dans le quartier visé. Ce sont surtout les gardiens du quartier général de la police, mais aussi ceux du musée islamique, qui ont été atteints. L’attentat est le troisième contre un quartier général de la police en moins de deux mois.

L'attentat contre le QG revendiqué par Ansar Beit al-Maqdis

Dans les heures qui ont suivi, la télévision d'Etat égyptienne a rapporté une autre explosion au Caire, en début de matinée. Cette fois, c'est un engin explosif de faible puissance qui a détoné à proximité d'une station de métro du quartier de Dokki. Une personne a été tuée, selon la télévision égyptienne.

Puis une troisième explosion a visé un poste de police à Talbeya, près de Guizeh, dans les faubourgs de la capitale égyptienne. Et enfin une quatrième, avenue des Pyramides, devant un cinéma, faisant un mort civil supplémentaire et six blessés. Les trois derniers attentats semblent l’œuvre d’amateurs et n’ont pas été revendiqués.

En revanche, le premier attentat, contre le quartier général de la police, est probablement l'œuvre de proffessionnels. Il a d'ailleurs été revendiqué par l’organisation Ansar Beit al-Maqdis - littéralement « les défenseurs de Jérusalem » - un groupe jihadiste lié à l’organisation terroristeb al-Qaïda. Le même groupe avait revendiqué en décembre un attentat contre un autre QG de la police, qui avait fait 17 morts dans le Delta.

Manifestation contre les Frères musulmans

Ces attentats interviennent à la veille de la troisième commémoration de la révolution du 25-Janvier. Mais aussi au lendemain d’un appel de l’« Alliance pour la légitimité », dominée par les Frères musulmans, à un soulèvement contre ce qu’ils appellent les « putschistes ».

Avec cet appel à 19 journées d’actions pour « mettre fin au coup d’Etat militaire responsable de crimes horribles et honteux », les Frères musulmans veulent rééditer le soulèvement qui a abouti au désistement du pouvoir de l’ex-président Hosni Moubarak, le 11 février 2011.

Moins d’une heure après l’attentat, des dizaines de personnes ont néanmoins commencé à manifester contre la confrérie, pour atteindre les quelque 2 000 dès 9h du matin. « Il n’y a de dieu qu’Allah, et les Frères sont les ennemis d’Allah », scandaient ces manifestants. Ou encore : « Le peuple veut l’exécution des Frères ».

Les Frères musulmans ont eux aussi manifesté ce vendredi, dans plusieurs villes d’Egypte. En général, leurs rassemblements ne rassemblaient pas plus de quelques centaines de personnes, et ont été réprimés par la police, qui a fait un usage intensif de grenades lacrymogènes.

Que ce soit au Caire, à Alexandrie, ou dans la province du Fayoum, les manifestants de la confrérie ont été attaqués par des habitants des quartiers. Ces confrontations entre civils ont causé le plus grand nombre de victimes du jour : 13 morts et une bonne centaine de blessés.

Le danger, au yeux des analystes, pourrait être une généralisation du phénomène, avec la multiplication d’actes de violence d'une partie de la population à l’égard des Frères musulmans, considérés comme la cause de tous les maux du pays.

La confrérie fragilisée

La confrérie, entre répression et impopularité croissantes, a en effet perdu une grande partie du soutien de la rue. Ses alliés salafistes, arrivés en deuxième position aux élections législatives, se sont retournés contre elle. Quant aux révolutionnaires radicaux, ils ont pris leurs distances, même s’ils sont en conflit avec le pouvoir.

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Pour les autorités de transition, l’appel des Frères musulmans au soulèvement est en tout cas du pain béni. Il sert d’argument justifiant la campagne de répression contre ceux qu’elles qualifient de « Frères terroristes ».

C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur a annoncé que « des armes lourdes » avaient été placées sur tous les postes de police, prisons et édifices sensibles. L’appel apporte aussi de l’eau au moulin de l’écrasante majorité des médias qui cassent du Frère musulman 24 heures par jour, sept jours par semaine.

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