RFI : Slim Othmani, qu’attendez-vous de la visite de Jean-Marc Ayrault ?
Je ne sais pas si j’attends vraiment grand-chose de la visite de Jean-Marc Ayrault. Il y a beaucoup de chefs d’entreprises français qui se déplacent très régulièrement en Algérie, le flux est là. Il y a simplement des attentes et des interrogations tout à fait légitimes de la part des investisseurs étrangers. Mais je pense qu’on devrait avoir un flux beaucoup plus soutenu et on devrait voir des investissements beaucoup plus importants, pas forcément de la part de grands groupes internationaux, mais aussi de la part de PME françaises, qui viendraient s’installer en Algérie, monter des associations au sens propre du terme : avoir des actionnaires algériens avec eux, qui sont actifs, qui ne sont pas ce qu’on appelle des sleeping partners pour employer un anglicisme qui n’est pas forcément apprécié dans la langue de Molière.
La France a toujours été le premier pays fournisseur de l’Algérie. Elle vient de passer cette année en deuxième position après la Chine, selon les chiffres des douanes. Pourquoi les Français ne sont plus aujourd’hui les partenaires numéro un des Algériens ?
Il y a divers facteurs. Je pense qu’il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives. Ce n’est pas le fait que l’Algérie se détourne de la France. Je pense que c’est la nature des échanges internationaux qui est en train de prendre le dessus. Et c’est peut-être un bon signe pour l’Algérie. L’Algérie est peut-être en train de commencer à s’inscrire dans l’économie mondiale.
Croyez-vous au partenariat gagnant-gagnant que souhaite instaurer Matignon ?
Je n’aime plus cette expression parce qu’elle est complètement galvaudée. Je pense que la France a une chance unique. Et je l’ai répété à plusieurs reprises à des ministres français. La France n’arrive pas à saisir l’opportunité exceptionnelle qu’elle a, d’avoir un tissu économique constitué de PME et de belles entreprises dans l’Hexagone, détenu par des binationaux franco-algériens.C’est ça sa tête de pont ! L’entêtement qu’il y a de la part des Français, à ne pas vouloir présenter cette tête de pont-là comme étant véritablement le vecteur ou le ressort des échanges algéro-français, m’intrigue particulièrement.
Est-ce que depuis un an, depuis la visite de François Hollande, une nouvelle impulsion a été donnée ? Vous sentez que les choses – la relation – a évolué ?
Je ne sais pas si la relation a réellement évolué. La relation France-Algérie, c’est toujours très compliqué. Et se prononcer sur la qualité de la relation France-Algérie est très présomptueux.
Est-ce que la santé actuelle du président Abdelaziz Bouteflika, qui n’est pas complètement remis de son AVC d’avril dernier, ne va pas entraver cette visite ? Est-ce le bon moment, autrement dit, pour une visite d’un Premier ministre français ?
Je ne saurais pas répondre parce que ces personnes qui sont capables de vous dire : nous avons une analyse très précise de la situation et nous sommes capables de vous dire où en est le président, est-ce que c’est le bon moment, etc, de mon point de vue, ce sont des personnes qui tirent des plans sur la comète. On est en mode spéculatif complet.
Est-ce que Abdelaziz Bouteflika est aujourd’hui en mesure de donner le « la », de donner le ton de cette nouvelle relation qui essaie de se construire ?
Honnêtement, je ne sais pas. Nous vivons un moment de grande incertitude. On le rappelle aux pouvoirs publics, on leur demande un peu plus de clarté, un peu plus de visibilité. Aujourd’hui, honnêtement, nous chefs d’entreprise, mis à part un discours extrêmement optimiste qui nous vient de la part du Premier ministre, nous n’avons pas beaucoup de visibilité. Aujourd’hui on est dans l’attente, un peu comme vous observateurs de l’Algérie, nous sommes aussi observateurs de notre propre pays.