Les proches d'Angelo Houssou préfèrent parler de « départ contraint » plutôt que de « fuite ». Cela y ressemble pourtant bien. Selon un confrère qui a pu s’entretenir avec lui au téléphone peu de temps après son arrivée à l'aéroport de New York, le juge Houssou est parti seul, « par des chemins de brousse », pour rejoindre la frontière togolaise.
Là, il a même traversé un fleuve en pirogue. Il a ensuite traversé le Togo avant de passer ensuite au Ghana pour monter, à Accra, dans un avion à destination des Etats-Unis.
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Sur son passeport figurait toujours un visa obtenu au printemps dernier, lorsqu’il avait tenté une première fois de partir aux Etats-unis via le Nigeria. Ce visa avait été annulé électroniquement à la demande des autorités béninoises, mais il n'en figurait aucune mention sur le passeport. Le juge a donc pu monter dans l'avion à Accra sans problèmes.
C'est en débarquant à l'aéroport de New York que les choses se sont corsées. Les services d'immigration américains se sont tout de suite aperçus que le document n'était pas en règle.
Les raisons de la fuite
Tout est parti de cette décision de non-lieu, prononcée au mois de mai, dans le procès des six personnes accusées d'être les complices de Patrice Talon dans la tentative d'empoisonnement du président béninois Boni Yayi. Selon les proches du magistrat, les ennuis ont commencé à ce moment-là, pour le juge Houssou.
Après sa tentative de fuite par le Nigeria avortée en mai, des « gardes du corps » - des policiers - avaient été désignés pour le protéger. Ou le surveiller, selon les versions. Puis, ces hommes avaient été rappelés. Mais Angelo Houssou se disait suivi en permanence par des hommes en civils. Sa maison était surveillée également.
Demande d'asile
Selon son avocat, « il craignait même pour sa vie ». « Le juge Houssou était l'objet de pressions psychologiques terribles », affirme Me Alain Orounla. « C'est un homme sur lequel était focalisée toute l'attention des autorités. Les menaces ont fini par avoir raison de sa solidité nerveuse. » L' Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) demandait officiellement depuis plusieurs mois que cette filature cesse.
Du côté du pouvoir, le garde des Sceaux, Valentin Djènontin, estime que la fuite du juge Houssou démontre, d'une part, qu'il n'était pas surveillé et, d'autre part, que cette fuite intervient quatre jours avant que la justice française ne se prononce sur l'extradition de Patrice Talon, exilé en France. Pour le ministre béninois de la Justice, il s'agit d’une manœuvre destinée à discréditer le Bénin aux yeux de la justice française.
« Si cela est vrai, à savoir qu’il (le juge Houssou) est tout le temps suivi et filé, comment a-t-il pu s’échapper ? Vous ne voyez pas qu’il y a une grosse contradiction ? Il était totalement libre de ses mouvements », a affirmé à RFI, Valentin Djènontin.
Pour l'instant en tout cas, le juge Houssou est toujours dans les locaux de l'immigration à l'aéroport de New York. Il attend d'un moment à l'autre un avocat et s'apprête à demander l'asile aux Etats-Unis.