« Des villageois ont vu les ravisseurs entrer en motos, phares éteints, avec le père Vandenbeush, dans la commune de Kéréwa au Nigeria », a assuré à RFI Augustine Awa Fonka, le gouverneur de la province de l'extrême nord du Cameroun. Il ne fait aucun doute pour lui que le rapt, mené par dix à vingt hommes en armes, porte la marque de la secte islamiste Boko Haram, dont le fief se trouve à quelques dizaines de kilomètres de l'autre côté de la frontière. Le gouvernement camerounais dit procéder à des vérifications de son côté mais semble partager son analyse. Selon des témoins, tout de suite après le rapt, les ravisseurs auraient pris la direction du Nigeria voisin.
Les ravisseurs, avant d'emmener le père Georges, s'en sont pris aux soeurs du diocèse à qui ils ont demandé de l'argent. Ils ont également pillé et cassé sur leur passage. « Leur comportement me rappelle celui des autres brigands qui ont attaqué cette même paroisse il y a six ans », relève pour sa part l'évêque de Maroua Mokolo, Monseigneur Philippe Stevens.
Le père Georges Vandenbeush avait eu le temps, avant le rapt, d'alerter l'ambassade de France qui a à son tour prévenu les autorités militaires camerounaises. Mais, selon nos informations, les brigades d'interventions rapides, les mieux équipées et les mieux formées du Cameroun, sont arrivées sur les lieux quelques minutes seulement après la fuite des ravisseurs.
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Un prêtre engagé et conscient du contexte
Le père Georges Vandenbeusch, 42 ans, était curé depuis 2011 de la paroisse de Nguetchewe après avoir officié dans la région parisienne. C'est un homme d'église engagé, prêt à aller porter la foi dans les zones les plus reculées et les plus instables. Il s'occupait notamment d'aider les quelques 10 000 réfugiés nigérians qui ont fui au Cameroun.
Dans sa dernière lettre publiée en septembre, il relatait ainsi les difficultés de sa mission. « Plusieurs catéchistes que nous connaissions ont été tués » au Nigeria. « Les combats contre la secte islamiste font rage juste à côté, mais mon travail ici est passionnant » écrit-il encore.
En avril dernier, lors de la libération de la famille Moulin-Fournier, ce prêtre affirmait aux journalistes être conscient qu'il exercait son culte dans un lieu dangereux « Il faut être prudent, disait-il alors. On va voir comment la situation évolue. Avec tous les habitants où je vis, même avec les musulmans, ça va. C’est paisible en tous cas aujourd’hui. » .
Autres réactions
Pour Philippe Stevens, évêque de Maroua Mokolo, le père Georges était une personnalité appréciée.
C'est Mgr Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France, le père Gorges n'a pas été envoyé en mission au hasard.
Selon le Quai d'Orsay, le prêtre aurait en effet « fait le choix de demeurer dans sa paroisse déclarée zone dangereuse », malgré les risques terroristes et d'enlèvement.
Mais pour le président François Hollande, « tout sera fait pour que le prêtre puisse être libéré dans les meilleurs délais ». Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour enlèvement en relation avec une entreprise terroriste.
Veillée de prière et de soutien pour le père Georges
Avant de s'installer au Cameroun, le père Georges était rattaché à la paroisse Saint-Jean-Baptiste dans la ville de Sceaux, en region parisienne. Hier soir, une veillée de prière et de soutien y était organisée.
Le père Georges était un homme engagé, tout à fait conscient des difficultés de la situation sur le terrain, comme en témoigne Philippe Laurent, maire de Sceaux.
■ ZOOM : Le nord du Cameroun est-il devenu une terre inhospitalière ?
Le grand nord du Cameroun couvre une superficie de 164 000 km2 et se décompose en trois régions : l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême nord, majoritairement habitées par des populations musulmanes. C’est ici que se développe depuis quelques années une activité criminelle multiforme, à commencer par la plus ancienne, celle des coupeurs de route et des braconniers qui ciblent essentiellement les éléphants du grand parc national de Waza.
Les activités terroristes quant à elles, et notamment le rapt d’occidentaux, sont plus récentes. Elles relèveraient des infiltrations en territoire camerounais d’éléments de Boko Haram en partance du Nigeria voisin. Les deux pays partagent une longue frontière de 1 600 kilomètres, mal ou peu sécurisée. Conséquence : la secte Boko Haram combattue au Nigeria tente de faire du Cameroun, notamment dans sa partie nord, sa base de repli.
Le pouvoir de Yaoundé essaie tant bien que mal de faire face. Une unité d’élite de l’armée camerounaise y est à pied d’œuvre. Yaoundé et Abuja viennent par ailleurs de formaliser une stratégie commune de sécurisation de leurs frontières. Elle prévoit entre autres des opérations militaires simultanées le long du golfe de Guinée et aux frontières, ainsi que des échanges d’informations et de renseignements.