Tunisie: Ennahda célèbre ses deux années au pouvoir

Ce mercredi marque le deuxième anniversaire de l'élection de l'Assemblée constituante tunisienne. Le 23 octobre 2011, neuf mois après la chute de Ben Ali, les Tunisiens ont désigné les 217 députés chargés d'écrire la nouvelle Constitution du pays. Les travaux avaient été fixés pour un an. Mais deux ans plus tard, la Constitution n'est toujours pas terminée. Et le pays est plongé dans une crise sécuritaire sans précédent, mais aussi dans une crise politique, suite à l'assassinat des deux opposants Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd, assassinat que leurs proches attribuent, indirectement au moins, au pouvoir en place.

Cinq brouillons de la Constitution ont été rédigés en deux ans, et aujourd'hui la tâche qui reste n'est pas immense en théorie, confie un observateur. Il faut finaliser le dernier chapitre de la Constitution, discuter de la nature du futur régime (parlementaire, mixte ou présidentiel) et toiletter quelques articles à la formulation encore floue.

Mais le problème, c'est que la rédaction du texte est bloquée depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi le 25 juillet. Un assassinat qui a fait suite à celui de Chokri Belaïd au mois de février. Deux événements tragiques qui ont conduit une soixantaine d'élus de l'opposition à boycotter les travaux de l'ANC depuis trois mois. Des élus qui réclament que le gouvernement présente sa démission comme promis dans une feuille de route validée le 5 octobre.

Mais cet engagement est aujourd'hui interprété différemment par chacune des parties signataires, qui s'accusent mutuellement de vouloir faire marche arrière. Difficile de dire, donc, si la Constitution sera terminée d'ici 2014, ou quand des élections pourront avoir lieu. Une chose est sûre : en deux ans, le parti Ennahda n'a pas su apaiser la scène politique. Certains accusent même les islamistes d'être responsables de la crise sécuritaire et économique sans précédent qui touche aujourd'hui la Tunisie.


■ VU DE TUNISIE

L'opposition appelle à manifester ce mercredi 23 octobre en Tunisie pour concrétiser la feuille de route du dialogue national. Deux ans après les élections, les électeurs sont aujourd'hui partagés.

Militant d'Ennahda depuis les années 1990, Mohamed Kemissi Chermi compte célébrer ce 23 octobre, qui a hissé son parti au pouvoir après des années de répression. Pour lui, nulle raison de rougir de son bilan : « On est libres maintenant, on a la démocratie, on a des projets, après 40 ans de dictature. Ca prend du temps. Malheureusement, il y a des partis qui ont exploité la faiblesse des gens pour empêcher ces projets. »

Beaucoup de militants d'Ennahda reprochent à l'opposition ou aux membres de l'ancien régime de saper les efforts des partis majoritaires. Mais avec une économie en berne, l'augmentation du coût de la vie et la montée de la menace terroriste, certains sont aussi déçus. C'est le cas de Mohamed, il avait pourtant voté Ennahda lors du scrutin de 2011.

« J’avais l’espoir en un régime équilibré, confie-t-il, entre politique et religion. Mais Ennahda a sous-estimé le pouvoir des extrémistes, et laissé faire la violence. Le manque de sécurité a influencé négativement sur l’état de l'économie. »

Mohamed attend la fin de la crise politique qui paralyse le pays, l'adoption de la Constitution et l'organisation d'élections. Mais il avoue qu'aujourd'hui, aucun parti ne le convainc.

A l'appel de l'opposition, des rassemblements sont organisés à travers tout le pays aujourd'hui, afin d'exiger la démission du Premier ministre. De son côté, la ligue de protection de la révolution, groupe proche du pouvoir islamiste, aussi appelle à manifester dans la matinée.


■ ZOOM : Deux ans après où en est la constitution ?
Eléments de réponse avec Selim Kharrat, directeur de l'ONG el-Bawssala qui suit les travaux de la constituante depuis son installation :
« Concrètement, la constituante a produit pas moins de cinq brouillons du projet de la Constitution et le dernier date du 1er juin 2013. On peut dire que tous les partis politiques représentés au sein de la constituante sont d’accord sur 95% du contenu. Il reste néanmoins quelques points de litige qui pourraient, à mon avis, être résolus assez rapidement. Mais le processus constitutionnel est de fait bloqué, suite à l’assassinat de Mohamed Brahmi, le député membre de cette constituante, qui date du 25 juillet 2013. Depuis, les partis politiques peinent à trouver un consensus sur les étapes suivantes de la transition tunisienne. Et c’est ce qui retarde l’adoption de la Constitution ».

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