Awa Marie Coll Seck: en route pour la couverture maladie universelle

La gratuité des soins pour tous les enfants de moins de cinq ans : c'est la mesure qui est entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2013 au Sénégal. A quand une couverture maladie universelle pour tous les Sénégalais et plus généralement pour tous les Africains ? Le docteur Awa Marie Coll Seck a dirigé Roll Back Malaria, le programme mondial de lutte contre le paludisme, est aujourd’hui la ministre de la Santé du Sénégal. Elle revient sur cette question avec Christophe Boisbouvier.

RFI : Au Sénégal, pour les enfants de moins de cinq ans, quelles mesures prenez-vous ?

Awa Marie Coll Seck : Monsieur le président de la République a pensé qu’il fallait penser aux enfants de moins de cinq ans, dont la mortalité était encore trop élevée. Donc nous avons initié la gratuité des soins chez les enfants de moins de cinq ans. Depuis le 1er octobre, tout enfant de moins de cinq ans qui se présente dans une structure sanitaire, poste de santé, centre de santé, et pour toutes les urgences dans les hôpitaux, est pris en charge gratuitement. Et d’ici 2014 nous comptons pouvoir leur donner aussi un «paquet» qui inclurait des médicaments.

Des médicaments gratuits pour les moins de cinq ans à partir du 1er janvier 2014 ?

C’est ce qui est prévu. Et le financement d’une grande partie vient du budget national, ce qui permet de pérenniser cette action.

Comment financez-vous cette mesure ?

Au niveau du budget national c’est une somme importante. C’est 7 milliards de francs Cfa qui vont être la base de ce financement. Nous avons aussi des partenaires, dont l’AFD, l’Agence française de développement, également l’USAID, donc les Américains, et la Banque mondiale. Nous avons également pensé à des financements innovants, comme la taxe sur le tabac ou bien sur les transactions financières.

Avant son élection, le candidat Macky Sall avait promis de faciliter l’accès aux soins pour tous les Sénégalais. Quelles mesures comptez-vous prendre pour les plus de cinq ans ?

Le président Macky Sall a mis la santé comme une priorité. Et c’est pour cela qu’il a proposé que nous puissions maintenant mettre en œuvre la couverture maladie universelle. C’est à dire qu’il faut parler, il faut informer les populations, les convaincre. Et elles sont convaincues de pouvoir contribuer, même d’une manière modique, mais contribuer aux mutuelles de santé. C'est-à-dire que la cotisation va être régulière, mensuelle ou même annuelle. Elle va être à la portée des populations, avec au moins une mutuelle de santé par collectivité locale, pour atteindre la couverture maladie universelle vers 2017.

→ A (RE)LIRE : Sénégal: le président Macky Sall lance son programme de couverture maladie universelle

Donc ce que vous dites c’est que la solution, ce n’est pas des soins gratuits pour tout le monde, mais des soins moins chers, sous forme de mutuelle ?

Des soins abordables parce que la santé a un coût et il faut que les gens aussi participent, cotisent et apportent une contribution également.

Mais les gens n’ont pas l’habitude de cotiser pour leur santé. C’est un vrai changement que vous leur demandez là ?

Vous savez, dans la coutume, les gens vont facilement chez un tradithérapeute. Et ces personnes paient chez le guérisseur. Il y a également d’autres exemples dans la vie sociale, comme les tontines chez les femmes. C'est-à-dire qu’elles cotisent chaque mois pour avoir une certaine somme qui leur permet de faire des choses de grande envergure. Donc ce système existe déjà dans notre société.

Alors les candidats Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et IBK au Mali, ont fait campagne également sur le thème de la couverture maladie universelle. Mais pour l’instant ce n’est pas encore bien appliqué partout. Pourquoi ces retards ?

Vous savez, la santé également a un coût. Et il ne faut pas avoir seulement des slogans. ll faut aussi chercher le financement. Donc tout cela prend du temps.

Et y-a-t-il des exemples sur le continent dont vous vous inspirez ?

Tout à fait. Nous avons visité certains pays. Nous avons le Rwanda, nous avons le Burundi, nous avons le Ghana. Donc nous allons apprendre auprès des autres pays assez performants.

Du côté de l’approvisionnement en eau de Dakar, quand y aura-t-il un retour à la normale ?

Les populations de Dakar rencontrent beaucoup de difficultés à s'approvisionner en eau. Je voudrais dire déjà que je leur rends hommage, parce qu’elles ont travaillé, elles se sont battues tous les jours pour avoir de l’eau potable. Le gouvernement a mis à leur disposition beaucoup de citernes, de camions-citernes d’eau. Mais ça a été très difficile et je crois qu’on est en train d’aller vers la fin de tout cela, car progressivement depuis quarante-huit heures, l’eau est en train de revenir dans les foyers. Et je crois que cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir dans quelques heures.

A l’origine de cette immense panne, une rupture de canalisation. Comment se fait-il qu’elle n’ait pas été détectée ?

Je vais vous demander de poser cette question aux personnes en charge de ce domaine. Je peux vous parler en profane et vous dire qu’il y a une source d’eau à 300 kilomètres de Dakar. Et il se trouve que juste après l’usine, il y a une jonction qui a un système assez spécifique qui a été défaillant, avec des trous et des problèmes qui existent apparemment depuis quelques années.

Cet ouvrage a été fait par une entreprise française. Sa durée de vie normale est de plus de trente ans mais après cinq ans (de fonctionnement NDLR), il a commencé à y avoir des problèmes. Aujourd’hui, il faut une pièce de rechange et elle est en train d’être faite à l’étranger. Cela nous a montré la vulnérabilité de l’approvisionnement en eau potable de Dakar. Et c’est pour cela qu’il y a une réflexion pour trouver d’autres alternatives : ne pas avoir qu’un seul tuyau, mais en avoir plusieurs, avoir d’autres forages. En tout cas, on fait tout pour que cette situation ne puisse plus nous arriver parce que ça a été quand même une situation difficile.

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