Guinée : un scrutin marqué par de vives contestations de l’opposition

Les cinq millions d’électeurs guinéens votent ce samedi 28 septembre pour élire leurs députés. Un scrutin maintes fois repoussé depuis trois ans. Un scrutin marqué aussi par de vives contestations de l’opposition.

A Conakry, des violences ont émaillé la dernière semaine de campagne. Par exemple, ce vendredi 27 septembre, les deux plus hautes autorités religieuses du pays - l’archevêque de Conakry, Monseigneur Coulibaly et le Grand Imam El Hadj Mamadou Saliou Camara - ont lancé un vibrant appel à la paix. Cet appel a été adressé aux guinéens mais aussi à leurs responsables politiques afin d’éviter toute forme de violences déstabilisatrices.

On l’a vu, avec les incidents qui ont émaillé la ville de dimanche à mardi, les jeunes manifestants de l’opposition sont parfois incontrôlables et les affrontements dégénèrent de plus en plus en règlements de compte communautaire.

Les esprits ont encore été échauffés par les révélations du Canard enchaîné. Le journal français qui évoquait, mercredi 25 septembre, des risques de coup d’Etat orchestré depuis l’extérieur. Le ministre de la Sécurité en a profité pour dénoncer ceux qui, depuis l’étranger, menacent la Guinée. Il faisait allusion à un opposant qui vit en exil mais aussi à un homme d’affaires franco-israélien, cité par Le Canard enchaîné. Pour autant, depuis hier, jeudi, Conakry a retrouvé le calme. La grande interrogation étant pour les électeurs de savoir s’ils pourront voter dans de bonnes conditions.

La CENI sera-t-elle à la hauteur ?

C’est la grande affaire de ce scrutin. L’opposition en doute et ne cesse de dénoncer l’amateurisme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

En juillet, un premier report du scrutin avait été décidé car l’opposition avait exigé que l’on reprenne le recensement électoral. Puis, samedi dernier, il a été décidé de donner quatre jours de plus à la CENI pour régler les dysfonctionnements, à savoir des bureaux de vote mal répartis, notamment dans les fiefs de l’opposition et un flou persistant à propos de la distribution des cartes d’électeurs. Ce dernier point est le plus problématique. Beaucoup d’électeurs se plaignent d’avoir été délocalisés dans des bureaux de vote éloignés de leur domicile.

La CENI assure que tout sera corrigé. Mais on saura samedi, à l’ouverture du vote si cette affirmation est vraie ou fausse.

Enjeux politiques

Rappelons que ces élections législatives interviennent deux ans et demi après la présidentielle qui a porté Alpha Condé au pouvoir. Ce sont des élections de mi-mandat en quelque sorte, et des élections compliquées pour le président et sa coalition, la coalition RPG Arc-en-ciel, car les réformes structurelles initiées par Alpha Condé prennent du temps à se concrétiser dans la vie quotidienne des Guinéens. Il faut donc les convaincre qu’une majorité à l’Assemblée permettra à la fois de poursuivre et d’accélérer ce travail.

Du côté de l’opposition, on a davantage critiqué l’action du chef de l’Etat plutôt que d’avoir proposé de vrais projets alternatifs et l’on souhaite que l’Assemblée nationale puisse servir non pas de chambre de d’enregistrement mais de contre-pouvoir efficace.

Certains opposants ne cachent pas non plus qu’ils souhaitent prendre une revanche sur la présidentielle de 2010 qui a vu Alpha Condé renverser la vapeur face à son challenger Celou Dalein Diallo.

Ce qui est clair, c’est que cette élection va servir de test général, à deux ans de la prochaine présidentielle en Guinée.

Un scrutin inédit

Pour ce scrutin, 114 sièges sont en jeu pour 22 listes et 2 508 candidats. Il s’agit d’un scrutin inédit puisque depuis 2002, les Guinéens n’ont pas été appelés à élire leurs députés. L’élection prévue en 2007 avait été repoussée à cause de l’agitation sociale à l’époque, et ensuite la mort de Lansana Conté et la prise de pouvoir par les militaires avaient encore repoussé l’échéance. Enfin, un Parlement nommé le CNT avait été mis en place. Il est toujours là.

Mais on a gardé, de cette époque, le même système, à savoir 38 circonscriptions électorales où le scrutin se déroule à l’uninominal à un tour et 76 sièges distribués à la proportionnelle. Vingt-deux listes sont en course. Et face à la coalition RPG Arc-en-ciel du président Condé, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo a passé des accords électoraux avec les autres poids lourds de l’opposition, à savoir l’UFR de Sydia Touré, le PEDN de Lansana Kouyaté et le GPT de Kassory Fofana. Alliance contre alliance, en quelque sorte. 

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