Un an après le drame, les travaux de la commission ont été tout simplement suspendus, pas officiellement, mais de fait, depuis un mois, la commission n’a pas siégé. Les mineurs et les familles de victimes, entre autres, ont déposé une recours pour obtenir des fonds pour pouvoir venir témoigner et payer leurs avocats. Rappelons que 250 d’entre eux avaient été arrêtés après la fusillade et accusés, entre autres chefs d'accusation, de tentative de meurtre contre les policiers. Leur recours a été rejeté par la Haute Cour de justice, mais ils ont fait appel.
Du coup, bon nombre d’observateurs craignent que les travaux de la commission reflètent avant tout le point de vue de la société Lonmin et des forces de sécurité. D'autant que la police, ici en Afrique du Sud, a mauvaise réputation. Elle est considérée comme corrompue et trop brutale.
« Une opération de contre-insurrection»
Un abus de l’usage de la force, à l’époque et aujourd’hui encore, confirmé par le chercheur Gareth Newham de l’ISS, Institut d’études des questions de sécurité de Pretoria. « Ce qui était une crise sociale a été traité comme si c’était une opération de contre-insurrection, analyse-t-il. L’envoi d’unités d’assaut et le plan qui avait été adopté, c’est ce qui a provoqué le drame de Marikana. Et, la police semble n'en avoir tiré aucune leçon. Il y a quelques jours encore, la patronne des services de police a parlé de ce drame comme d’un drame qui aurait surtout touché la police. »
Deux policiers avaient effectivement été tués dans les jours qui avaient précédé la fusillade.
Aussi, le 16 août 2012, selon plusieurs témoins extérieurs au conflit, les policiers étaient en colère et avaient peur.
Parmi les raisons qui peuvent aussi expliquer ce drame, il y a également le manque de formation des policiers. Des policiers qui disent avoir été attaqués par des mineurs armés. Or deux armes à feu seulement et quelques armes traditionnelles ont été récupérées sur les lieux de la fusillade.
De meilleures conditions de vie et de travail
A l’époque, les mineurs de Marikana réclamaient une hausse de salaire et une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Leur situation ne s’est pas véritablement améliorée depuis.
Certes, leurs salaires ont été augmentés, officiellement de 22 %, mais les mineurs ont reçu dans les faits bien moins que cela. Ils réclament toujours un salaire de 12 500 rands, soit près de 1000 euros. Une demande jugée comme irréaliste par le patronat et les syndicats proches du pouvoir.
« Beaucoup de promesses ont été faites, mais très peu a été réalisé depuis, estime Peter Alexander, professeur de sociologie à l’université de Johannesburg et auteur d’un livre sur Marikana. Ces mineurs travaillent plus de 12 heures par jour pour atteindre les objectifs fixés, à faire un travail très dangereux, très dur. Et beaucoup estiment que le salaire qu’ils reçoivent ne leur permet pas de vivre dans des conditions décentes. Ils ont souvent une famille dans leur région d’origine et une famille dans la zone minière et ils doivent subvenir aux besoins des deux à cause du taux élevé de chômage. Et les choses, là aussi, n’ont pas changé. »
Crise de confiance
Les mineurs de Marikana ne sont plus les seuls à réclamer un salaire de 12 500 rands. La grande majorité des travailleurs du secteur minier leur a emboîté le pas. Beaucoup estiment que de nouvelles grèves sont à prévoir cette année, même si un accord-cadre a été signé en juillet dernier pour tenter de sortir le secteur minier de la crise. De nombreux experts estiment qu’on assiste également à une véritable crise de confiance entre les couches populaires et le gouvernement.
C'est notamment ce que pense David Van Wyk, chercheur associé à la fondation Bench Marks, une organisation qui avant même le drame de Marikana avait dénoncé le caractère explosif de la situation. « Durant l’apartheid et même la période coloniale, il y a toujours eu des gouvernements en Afrique du Sud qui refusaient de répondre aux besoins de la majorité de la population. Maintenant, ces couches sociales votent et elles ont élu un gouvernement qui ne les écoute pas non plus. Je peux prendre comme exemple n’importe quelle grande société minière et vous citer les membres du comité de direction ou les actionnaires qui sont de l’ANC, le parti au pouvoir. Et par conséquent, les intérêts financiers sont plus importants pour ce gouvernement que les conditions de vie et de travail des employés. »