Plus de 2 200 logements du quartier de Badia East ont été démolis en février dernier, dans l’Etat de Lagos. Selon le gouvernement nigérian, ces démolitions s’insèrent dans un plan de « revitalisation » de la ville de Lagos - la plus peuplée du Nigeria - avec 15 millions d’habitants.
Selon le rapport d’Amnesty International, cette opération concerne « la première phase du plan » et si ce dernier se poursuit, « des dizaines de milliers de personnes risquent de se retrouver à la rue ». Pour Amnesty International, ces expulsions sont illégales.
Joint par RFI, Yves Prigent, responsable de la campagne Pauvreté et Droits Humains d’Amnesty International France, explique que « c’est sous prétexte de rénover l’habitat et le tissu urbain que ces destructions ont lieu et que l’on considère que les gens ainsi expulsés n’ont pas de droits par rapport au fait qu’ils habitent là, souvent depuis plusieurs années. C’est faux, car il est parfaitement établi que le droit international, ainsi que le droit national, rendent impossibles ces expulsions-là, qui se font en dehors de tout cadre juridique ».
Conséquences désastreuses
Le rapport d’Amnesty International met en relief l’impact dévastateur des expulsions forcées sur la vie des résidents. « Avec la perte de leur logement, les gens perdent tout ce qui faisait leur vie auparavant », souligne également ce responsable d’Amnesty International France, avant de préciser que les conséquences sont désastreuses pour les familles, pour la scolarisation des enfants, mais aussi pour tous ceux qui travaillaient et qui, pour le coup, « ne peuvent plus aller travailler parce qu’il faut qu’ils se préoccupent d’abord de mettre leur famille en sécurité et trouver où se loger ».
Yves Prigent souligne également l'importance de la question de l’alimentation, ou encore les incidences en termes de santé, faisant allusion aux personnes « qui contractent des maladies car ils vivent dans des conditions vraiment très insalubres ».
RFI a pu contacter une des victimes des ces expulsions forcées. Biola Oguyemi, 50 ans et mère de six enfants, déplore l’absence totale d’aides de l’Etat et appelle à l’aide. « Il n'y a pas de nouvelle maison pour nous, nous dormons dehors. Les gens ont été chassés sans préavis, sans annonce. Depuis, nous n'avons ni logement, ni aide, ni accès à l'eau. La plupart des enfants, ici, ne peuvent plus aller à l'école. Beaucoup de mères, qui doivent prendre en charge toute leur famille, sont tombées dans la prostitution. Nos jeunes sont sans emploi, certains ne vivent qu'en faisant les pickpockets... Nous avons vraiment besoin d'aide ».
Amnesty International travaille avec des organisations locales pour mettre en place des recours en justice. Rien dans la loi nigériane n'autorise, en effet, l'Etat de Lagos à bafouer ainsi les droits de ces résidents, souvent les plus pauvres.