Aucun des onze employés basés à El-Fasher, d’où sont gérées les opérations du HCR au Darfour, n'ont obtenu de permis. « Cela affaiblit énormément le management de nos opérations au Darfour, regrette Kai Nielsen, interviewé par RFI à Khartoum. Depuis un mois, nous n'avons pu mener d’opération efficace pour aider les personnes déplacées dans le nord du Darfour. »
Depuis septembre 2012, les travailleurs internationaux ont besoin d'un permis pour se rendre dans la plupart des régions en-dehors de la capitale. Mais depuis avril dernier, une réforme prévoit la délivrance de permis long-terme, valides jusqu’à la fin de leur contrat. « Pour une raison que j'ignore, les employés du HCR n'ont jamais bénéficié de cette réforme et doivent continuer d'effectuer une nouvelle demande tous les trois mois », indique M. Nielsen.
Juliette Stevenson, chargée des relations externes au Darfour, figure parmi ceux qui ont dû suspendre leurs activités à El-Fasher. « Fin juin, les permis de plusieurs personnes ont expiré sans être renouvelés. En soi, ce genre de problèmes administratifs n'est pas nouveau : certains collègues ont parfois dû attendre trois mois avant que leur demande de renouvellement soit validée, et d'autres se voyaient soudain interdits d’accès au Darfour en rentrant de congé ou de formation, explique-t-elle. Ce qui est inédit, c'est l'ordre qui nous a été intimé par le gouvernement soudanais, le 4 juillet, de quitter le Darfour sous 72 heures. »
Depuis, seuls 17 employés du HCR demeurent autorisés à travailler au Darfour. Mais en raison du système de rotation, la totalité du personnel se retrouve rarement sur le terrain en même temps, précise Juliette Stevenson, qui estime que « l'espace humanitaire se réduit dangereusement dans la région ».
L'agence onusienne coordonne de nombreuses opérations au Darfour, dans les secteurs de l’hébergement d'urgence, de la distribution de produits non-alimentaires, du retour et de la protection des personnes déplacées. La gestion de ces programmes devra donc être temporairement déléguée à ses partenaires.
Le manque d’accès, obstacle principal pour les humanitaires
Pour des raisons gouvernementales et de sécurité, l’accès à certaines zones du Soudan est totalement fermé aux organisations internationales, voire locales. Le Jebel Marra au Darfour, par exemple, est inaccessible depuis 2011. « De nombreux déplacés affluent actuellement depuis cette région, mais nous n'avons aucun moyen d'aller nous rendre compte de la situation sur place », commente Mme. Stevenson.
Kai Nielsen dit que l'agence est particulièrement affectée par les restrictions gouvernementales : « Il est difficile pour les humanitaires d’accéder à certains camps de déplacés pas exemple. Cependant, le HCR semble davantage affecté que d'autres organisations par les interdictions. »
Une situation qui se détériore
La situation au Darfour prend depuis quelques mois une tournure inquiétante. Cette année seulement, le HCR compte environ 300 000 nouveaux déplacés. En plus des conflits inter-tribaux et ceux opposant milices rebelles et gouvernementales, le Darfour est sujet à une forte hausse de la criminalité, avec l’émergence de groupes armés qui pillent et attaquent la population civile. Ils constituent une menace sérieuse pour les travailleurs humanitaires.
Le HCR estime à 2 millions le nombre de personnes sans domicile au Darfour. 1,2 million d'entre elles seraient des personnes déplacées ayant trouvé refuge dans des camps. En outre, la saison des pluies cause en ce moment de graves inondations. « La situation est critique, estime Mme. Stevenson. Pour l'instant, nous sommes dans l'attente. » Au soir du 7 août, le gouvernement soudanais n'avait toujours pas commenté l'appel des représentants de l'ONU et du HCR.