L’opposition a longtemps menacé de boycotter ce scrutin avant finalement d’accepter d’y participer. Elle a longtemps réclamé un dialogue politique, et n’a finalement obtenu que des concessions mineures, mais rien de tangible sur les questions de fond, comme le découpage électoral, qui est depuis longtemps considéré comme taillé sur mesure pour le pouvoir. Rien non plus sur le fonctionnement de la Céni, la commission électorale largement dominée par le parti au pouvoir.
Pourtant selon Dodji Apevon l’un des leaders de la coalition Arc-en-ciel, l’une des deux coalitions de l’opposition, la politique de la chaise vide eut été la pire des solutions.
« Un consensus pour les élections »
« Nous avions véritablement souhaité avoir un dialogue, rappelle-t-il. Un dialogue qui nous permette d’avoir les conditions d’organisation de bonnes élections. D’avoir un consensus sur ces élections. Vous imaginez que nous allions aujourd’hui à ces élections sans même avoir un représentant au sein de la structure qui organise ces élections, la Céni ? Cela aurait voulu dire que les conditions minimales pour avoir de bonnes élections n'étaient pas remplies. Donc c’était vraiment pour ne pas laisser ces gens-là organiser ces élections, seuls. Et pour qu’on ne nous accuse pas demain d’avoir boycotté le scrutin ».
C’est une analyse que partage Agbeyomé Kodjo, l’un des chefs de file de l’autre coalition de l’opposition, le collectif CST « Sauvons le Togo ». Selon lui, même si la transparence n’est pas garantie, l’opposition doit participer en raison des enjeux cruciaux qui attendent la future assemblée à deux ans de l’élection présidentielle.
«Réformes constitutionnelles»
« Nous considérons que l’enjeu de ce scrutin est tel que si nous le boycottons, nous laissons la coalition des fils des anciens présidents de la République continuer leur main mise sur le pays. Pour nous ce scrutin est particulier, car il ouvrira le champ à des réformes constitutionnelles et institutionnelles et nous y allons pour empêcher l’instauration d’un royaume. »
Deuxième question : voilà les enjeux pour les deux coalitions de l’opposition. Quels sont les objectifs des autres partis et notamment du parti au pouvoir, l'Union pour la République (UNIR).
C'est le nouveau parti du président Faure Gnassimgbé, il est l’héritier du Rassemblement pour le peuple togolais (RPT), le parti fondé par son père, Gnassingbé Eyadéma. Et le président a senti qu’il lui fallait renouveler cette ancienne formation, afin de la régénérer. D’où la création de ce parti qui a permis un rajeunissement des cadres. Alors que l’opposition durant des mois et des mois a manifesté sur le thème du printemps togolais, le pouvoir a senti qu’il fallait dépoussiérer le système et montrer qu’il pouvait innover. La grande question est de savoir si les électeurs suivront.
« Une nouvelle rupture »
« Vous restez toujours dans votre logique de dire : c’est encore le RPT, s'insurge Florent Yao Magawané, porte-parole de l'UNIR. Et puis vous allez nous totaliser une cinquantaine d’années comme cela ? Non il ne s’agit pas de cela. Il y a une nouvelle rupture, il y a une formation politique qui s’est créée, qui vient d’avoir à peine un an. Je ne pense pas qu’elle soit encore usée et que l’on puisse parler d’usure du pouvoir. »
A la question de savoir si cela suffira pour renouveler le discours politique et remobiliser les gens en sa faveur, la réponse fuse : « C’est ce que nous sommes en train de faire, nous savons que c’est assez difficile, mais il faut un nouveau discours, il faut une nouvelle manière de faire, il faut une nouvelle vision. »
Ce scrutin est aussi décisif pour un autre parti : l'Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio. L’UFC fut durant plusieurs decennies le symbole de l’opposition ici au Togo. Mais depuis que Gilchrist Olympio a fait entrer son parti au gouvernement, sa cote de popularité a diminué. L’UFC joue donc son avenir notamment face à L’ANC de Jean-Pierre Fabre, la branche de l’UFC qui a préféré rester dans l’opposition.
« Beaucoup trop de sang versé »
« Nous ne sommes plus partisans de la politique spectacle, explique André Johnson, tête de liste de l’UFC à Lomé, et c’est pour cela que nous avons privilégié le dialogue permanent avec les autorités de ce pays. Mais nous sommes toujours critiques. Croyez-moi, nous sommes toujours de l’opposition. Il y a aussi beaucoup de Togolais qui ont compris notre démarche et qui savent que beaucoup trop de sang a été versé. Et qu’il faut quand même changer de stratégie. A savoir, que c’est la paix qu’il faut rechercher et c’est le développement qui doit être notre priorité. »
Enfin, si cette élection permettra de clarifier l’échiquier politique, elle permettra aussi à un homme d’occuper un nouveau fauteuil, celui de chef de l’opposition. Un poste qui est devenu officiel depuis l’adoption d’une loi en ce sens. Reste à savoir si cela produira de l’union ou de la désunion au sein de l’opposition togolaise, comme l’explique Agbeyomé Kodjo l’un des chefs de file de la coalition « Sauvons le Togo ».
Cette dernière journée de campagne aura été marquée par un grave incident. Dans la région de Kpalimé, le cortège de la tête de liste locale du CST, Isabelle Ameganvi, a été attaqué par des nervis armés de batons. Sept personnes ont été blessées. Jean-Pierre Favre, chef de file du CST dans le pays, a exprimé sa colère en réclamant une action des autorités et de la justice internationale. « Les autorités, cela vaut-il la peine de les saisir ? », s'interroge-t-il, remarquant que sa collègue avait déjà été blessée dans cette zone au cours des précédentes législatives.