Mardi 2 juillet au soir, alors que l'ultimatum de l'opposition touche à sa fin, le président Mohamed Morsi a refusé de démissionner, clamant sa « légitimité constitutionnelle ». Le chef de l'Etat égyptien, via son compte Twitter, a appelé l'armée à retirer son propre ultinatum, refusant tout « diktat » des militaires.
Le fait que le communiqué ait été publié sur le compte Twitter du président laisse penser que les moyens de communication de Mohamed Morsi sont restreints, estiment les observateurs. Certains vont même jusqu’à avancer que le président est confiné par l’armée dans le palais présidentiel de Qoubah.
Ces déclarations ont été aussitôt dénoncées par l'opposition, qui avait salué la prise de position de l'armée. Elle accuse Mohamed Morsi de « conduire le pays à la confrontation et la violence » tandis que les manifestations se poursuivent dans les rues des principales villes d'Egypte. Les opposants maintiennent leur appel à la désobéissance civile.
Face à la révolte d’une partie de la population, la présidence égyptienne pense pouvoir faire contrepoids en mobilisant ses propres partisans. Les Frères musulmans ont appelé les pro-Morsi à descendre dans la rue en signe de soutien au président islamiste. Dimanche dernier, des rassemblements dans les rues du Caire ont réuni 25 000 personnes. Une poignée en comparaison des millions d’Egyptiens mobilisés par le camp adverse.
Dans la journée, les manifestations ont parfois dégénéré, notamment dans le quartier de Guizeh, en affrontements ouverts entre opposants et pro-Morsi. Selon des sources médicales, sept personnes ont été tuées dans ces violences et plusieurs dizaines blessées, y compris par des tirs.
Les manifestations ont fragilisé le pouvoir
Le pari de la mobilisation a été réussi. Celui du départ de Mohamed Morsi reste à voir… Mais la forte contestation semble bel et bien avoir fragilisé le pouvoir des Frères musulmans. Lundi, les premiers signes d’effritement se sont clairement fait sentir. Cinq ministres (Tourisme, Communication, Environnement, Affaires juridiques les premiers) ont démissionné. Dans la nuit de lundi à mardi, un important membre du cabinet, le ministre des Affaires étrangères, s’est joint au groupe.
Le ministre de l’Intérieur a affirmé dans un communiqué soutenir le peuple et ses revendications. Ce mardi, les porte-parole de la présidence et du gouvernement ont assené le coup de grâce en annonçant leur démission au même moment.
Toutefois, malgré ces nombreuses défections, la confrérie semble s’accrocher au pouvoir. Les Frères musulmans, arrivés au sommet de l’Etat en 2012, ne comptent pas renoncer facilement à leur nouveau statut. Surtout après avoir passé une bonne partie du XXe siècle derrière les barreaux.
Les membres de la confrérie le savent : céder face à la contestation est synonyme pour eux d’un retour à la case départ. Pour leur défense, ils présentent l’ultimatum lancé par l’armée comme un coup d’Etat militaire, d’autant que Mohamed Morsi est un président civil qui a le mandat du peuple. Il a été élu démocratiquement en juin 2012.
L’ultimatum de l’armée, un coup d’Etat déguisé ?
En Egypte, l’armée est une institution solide. Elle l’a déjà démontré en 2011. Lors de la révolution du 25 janvier il y a deux ans, les militaires avaient pris le parti du peuple. Résultat : le régime d’Hosni Moubarak avait été renversé.
Dans ce pays de plus de 80 millions d’habitants où l’armée est issue des tranches les plus populaires de la société, le scénario risque désormais de se répéter.
Cette hypothèse préoccupe l’opposition au plus haut point. L’armée est certes proche du peuple, elle est considérée comme la garante de la stabilité du pays, mais l’institution militaire a déjà joué de mauvais tours aux Egyptiens.
Après la chute d’Hosni Moubarak début 2011, elle a récupéré le pouvoir durant un an et demi. Au début, elle a été acclamée par la foule mais elle a très vite déçu. Son tort ? Ne pas avoir réussi à maintenir l’ordre et à organiser rapidement des élections acceptées par tous les partis politiques. L’armée n’a pas non plus su résoudre les problèmes économiques de l’Egypte.
Dès son arrivée au pouvoir, Mohamed Morsi a eu d’ailleurs pour priorité de réduire les prérogatives de l’institution militaire. Il a également pris le soin d’écarter le maréchal Tantaoui, l’ancien homme fort de l’armée égyptienne. Ce dernier a été remplacé par le général Abdelfattah al-Sissi.
Les Egyptiens semblent faire confiance à ce militaire. D’autant qu’Abdelfattah al-Sissi a donné des garanties sur ses intentions. Lundi, il a affirmé dans un communiqué n’avoir aucune ambition politique.