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Ce dimanche 19 mai à Kairouan, les autorités tunisiennes avaient déployé un important dispositif policier pour empêcher les salafistes de se rassembler en meeting à l'occasion du congrès annuel de leur mouvement. Tous les accès à la ville avait été bloqués pour contrer la « menace », dixit le gouvernement contrôlé par les islamistes de Ennahda. Tunis se disait même prêt à user de la force pour faire appliquer la loi. Et Ansar al-Charia assurait que le meeting aurait lieu coûte que coûte, faisant craindre des violences.
Dans un premier temps, dimanche peu avant midi, Ansar al-Charia a semblé plier devant la volonté gouvernementale. « A l'attention de nos frères qui viennent à Kairouan depuis les autres régions (...) la direction d'Ansar al-Charia vous informe de la nécessité d'annuler tous ces voyages vu la gravité de la situation sécuritaire », ont indiqué les cadres du mouvement sur Facebook, sans toutefois préciser si la réunion était annulée.
Contourner l'interdit
L'ordre concernait en particulier « ceux venant en bus de la cité Ettadhamen et al-Intilaka », près de Tunis. Aucune directive n'était adressée aux militants ayant déjà réussi à se rendre sur place, à 150 kilomètres de Tunis, malgré le dispositif policier.
Puis est venue cette précision : « Nous appelons tous nos frères à être présents en grand nombre à la cité Ettadhamen, dans la capitale. » En d'autres termes, loin de plier, Ansar al-Charia a tenté une diversion pour contourner l'interdit, et a contre-attaqué. Joint par l'Agence France-Presse vers midi, le salafiste Sami Essid, responsable du mouvement jihadiste, a même assuré que le congrès avait démarré à Ettadhamen, à 15 kilomètres de la capitale. A la mi-journée, une habitante de cette banlieue populaire de l'ouest de Tunis a affirmé à l'AFP qu'un grand nombre de militants d'Ansar al-Charia circulaient en groupes dans les environs.
Les forums jihadistes se sont alors mis à diffuser des photos d’un meeting dans la Cité Ettadhamen. Puis des affrontements ont très vite éclaté sur place, opposant les forces de l'ordre et des salafistes. Dans un premier temps, des centaines de militants ont érigé des barricades à l'aide de pneus, auxquels ils ont mis le feu. Ils ont jeté des pierres aux policiers, qui ont rapidement fait usage de gaz lacrymogènes et procédé à des tirs de sommation pour les disperser. Un jeune manifestant a été tué, a indiqué une source hospitalière, onze policiers et trois manifestants ont été blessés, dont un gravement, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur.
A Ettadhamen, les réseaux salafistes évoquent désormais 5 000 à 6 000 hommes, qui seraient sur place pour en découdre avec la police. La garde nationale a dépêché des renforts blindés et des camions de l'armée pour tenter de mettre fin aux troubles. Mais des tensions se font également sentir à Kairouan, où des militants se sont barricadés derrière le mur d'enceinte d'une mosquée dans le quartier de Bab Achouhada, dans le centre-ville. Là encore : jets de pierres contre gaz lacrymogènes.
Diversion improvisée
11 000 policiers seraient déployés à Kairouan selon le ministère de l'Intérieur tunisien, joint dans la matinée par RFI. Ils seraient plusieurs milliers dans la capitale. De quoi garder la situation sous contrôle, selon les autorités, qui démentent par ailleurs avoir tenté de discuter avec Ansar al-Charia pour convaincre ses cadres de reporter leur rendez-vous, comme ces derniers l'assuraient dans la matinée.
La diversion opérée par Ansar al-Charia semble avoir été décidée à la dernière minute. A Kairouan, depuis samedi, plusieurs jihadistes ont été interpellés alors qu’ils tentaient encore de se rendre au meeting interdit. C’était notamment le cas, d’après Ansar al-Charia, de l’un des porte-parole du mouvement, Seifeddine Raïs.