Le Festival d’Avignon embrasse l’Afrique théâtrale

C’est une édition résolument ouverte, audacieuse et africaine qui ouvrira ses portes entre le 5 et 26 juillet à Avignon, avec 21 créations et 12 premières en France sous le signe d’Afrique. Après la présentation du programme officielle ce 19 mars au Théâtre de Gennevilliers, entretien avec Dieudonné Niangouna, premier artiste-associé africain de ce plus grand rendez-vous théâtral d’Europe. Originaire de Congo-Brazzaville, ce comédien, metteur en scène et auteur veut « raconter des Afriques » et présentera avec Shéda une création grandiose à la hauteur de la carrière de Boulbon, un des lieux emblématique du Festival.

Pour cette 67e édition, les metteurs en scène viennent de Brazzaville, Kisangani, Ouagadougou, Lagos, Le Cap… Quelle planète théâtrale africaine présenterez-vous au Festival d’Avignon ?

Moi, je présente surtout un spectacle, Shéda, qui ne parle pas d’un pays africain, mais qui parle des situations qu’on peut trouver en Afrique comme ailleurs. C’est pour cela que, dans ma distribution, il y a des comédiens de Brazzaville, des comédiens sénégalais, camerounais, roumains… Je suis plus dans une pâture comme celle-là, une sorte de puzzle artistique à construire. Shéda parle des influences de beaucoup de cultures, de gens de ma génération qui ont traversé des guerres, des crises. C’est autour de cela que va se baser la pièce pour chercher de se reconstruire à partir des violences qu’ils ont vécu, pour s’en sortir et de trouver une humanité.

Tous ces metteurs en scène africains qui viendront à Avignon, est-ce qu’ils seront représentatif de la scène théâtrale en Afrique ?

Je ne pense pas en termes de « représentatif », sinon je serais dans les statistiques de dire : est-ce que c’est le pourcentage requis pour parler du spectacle africain. Non, je ne suis pas l’ombre du représentatif. Ce n’est pas comme ça que je pense les choses. Il y a des artistes qui viennent de l’Afrique, qui sont là dans cette programmation, et c’est plutôt bien : autant des auteurs que des plasticiens, des danseurs, des comédiens, des metteurs en scène. C’est important. Ils vont parler à leur endroit, de leur travail, de leur spécificité, de leur manière de faire du théâtre, d’écrire, de chanter, de danser. C’est plutôt ça qui est intéressant que quelqu’un qui arrive et parle évidemment de sa manière de faire de l’art dans le monde d’aujourd’hui, de dire qu’on va faire quelque chose pour représenter toute l’Afrique – du Nord au Sud. C’est moins un travail « ontologique », c’est beaucoup plus une manière personnelle qui va raconter des Afriques.

En 2050, plus que 85 pour cent des francophones vivront en Afrique. Est-ce une chance pour Avignon d’inviter aujourd’hui ces metteurs en scène africains ?

Pour moi, ce n’est même pas une question que ça soit une chance pour Avignon d’avoir l’Afrique ou pas. Pour moi, c’est important qu’il y ait une présence africaine lors des grands rendez-vous, pour moi en tant qu’Africain et évidemment pour des gens qui travaillent en Afrique. Ils travaillent comme les autres ailleurs, dans des conditions beaucoup plus difficiles. Et du coup, il ne faut pas qu’on se limite par le fait qu’on n’aime pas leur esthétique, qu’on voit ça et on laisse ça à travers. Chaque endroit a sa culture, sa difficulté de faire du théâtre, on ne peut pas regarder un théâtre à Brazzaville, avec les moyens qu’on a, comme un théâtre à Berlin. Ce qui n’empêche pas d’avoir du goût et ses choix. C’est simplement important que, dans des grands rendez-vous comme ça, qu’y aient des gens qui viennent d’ailleurs et qui vous montrent ce qu’ils font à cet endroit-là. Ce n’est pas en imaginant qu’en 2050 il y aura plus de francophones en Afrique… Qudus Onikeku [qui présentera Qaddish au Théâtre Benoît-XII, ndlr] vient du Nigéria. Il n’est pas francophone, il est anglophone, mais c’est important qu’il soit là.

Le plus grand festival panafricain du cinéma, le Fespaco, vient de fermer ses portes, avec un constat simple, la créativité cinématographique en Afrique est palpable, mais il ne reste que très peu de salles de cinéma. Quelle est situation de la scène théâtrale en Afrique ?

Il peut y avoir des salles, le problème n’est pas là. Le problème, ce sont les infrastructures qui manquent. Je peux trouver un endroit et le transformer en salle pendant le festival, le lieu où sera le spectacle. Mais cela ne veut pas dire que pendant l’année c’est une salle ou une infrastructure qui permet le développement de l’acte de créer.

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Le programme officiel du Festival d’Avignon 2013, du 5 au 26 juillet.

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