Le nouveau gouvernement - formé par une coalition regroupant islamistes d’Ennahda, deux partis laïcs et des indépendants - devra trouver ses marques dans un contexte marqué par un fort mécontentement social, par des accrochages récurrents entre des salafistes et les forces de l’ordre mais aussi par une interminable crise politique et institutionnelle.
L’équipe gouvernementale a prêté serment mercredi après-midi, près d’un mois après la démission, le 19 février, du Premier ministre Hamadi Jebali. Ce dernier avait présenté sa démission après l’assassinat, le 6 février, de l’opposant de gauche, Chokri Belaïd, qui a avivé la crise politique en Tunisie.
« Comprendre le message »
Avant le vote et devant les députés, le Premier ministre Ali Larayed a réagi, pour la première fois, à la mort et à l’immolation, par le feu, du jeune vendeur ambulant. Avant de commettre ce geste désespéré, sur l’avenue Habib Bourguiba, en plein centre de Tunis, Adel Khadri avait hurlé : « Voilà la jeunesse qui vend des cigarettes, voilà le chômage ». Pour le chef du gouvernement tunisien « c’est un incident triste », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « j’espère que nous avons tous compris le message ».
Ce décès est particulièrement symbolique en Tunisie car la révolution y a été déclenchée par l’immolation d’un vendeur ambulant - excédé, lui aussi, par la misère - à Sidi Bouzid, dans le centre du pays, en 2011. Deux ans après, la pauvreté et le chômage sévissent toujours.
Dans son discours, le président Moncef Marzouki - s’adressant aux ministres - a mis l’accent sur ce désespoir des jeunes face à la misère : « Je m’adresse à tous ces jeunes désespérés, à bout de patience et qui ne voient pas une lueur d’espoir à l’horizon », a-t-il dit avant de poursuivre « ce cabinet n’a pas de baguette magique pour résoudre les problèmes de la pauvreté et du chômage qui se sont accumulés pendant trois décennies (…) mais il a une volonté inébranlable pour affronter ce tsunami de problèmes » a ajouté le président tunisien.
L’impasse politique
Lorsque le Premier ministre Ali Larayed – du parti islamiste Ennahda, principale force politique du pays - avait annoncé, le vendredi 8 mars, la composition de son gouvernement, il avait précisé que ce serait pour un bail à court terme, seulement « jusqu’à la fin de l’année 2013 au maximum », avait-il déclaré, laissant ainsi entendre que des élections législatives et présidentielles auraient lieu avant cette date, en octobre ou novembre.
Cette fois-ci, Ali Larayed a assuré, dans son discours de politique générale, qu’il comptait mettre un terme, avant la fin de l’année, à l’impasse politique causée par l’absence de consensus sur la future Constitution qui bloque précisément l’organisation d’élections et prive le pays d’institutions stables.
Cependant, et pour qu’une nouvelle Constitution puisse être adoptée, il faut le soutien des deux-tiers des députés, et c’est en comptant là-dessus qu’un calendrier a d’ores et déjà été soumis aux députés : l’adoption de la loi fondamentale – essentielle pour organiser de nouvelles élections – début juillet et des élections en octobre. Certains observateurs doutent que ses dates-limite puissent être respectées, présumant cet échéancier peu réaliste. La passation de pouvoir aura lieu le jeudi 14 mars.