Au départ, l'intention de ces lycéens était purement potache. L'un des élèves, Phyraz, disait vouloir simplement faire comme sur internet, sans aucun message politique. Ces élèvent avaient vu des centaines de vidéos du célèbre tube coréen Gangnam style ou de Harlem Shake sur internet. Ils ont simplement voulu rééditer l'expérience dans leur lycée de Menzah, un quartier très bourgeois de Tunis, le lycée des Pères blancs.
Un matin, plusieurs dizaines d'entre eux sont donc arrivés dans la cour du lycée déguisés en cheikhs salafistes pour certains avec de faux kamis, de fausses barbes, d'autres à moitié nus en caleçons ou en couche culotte avec des perruques farfelues, ou des masques. Et tout ce petit monde s'est mis à danser le fameux Harlem Shake, cette danse très connue sur internet où il s'agit de se dandiner de façon totalement ridicule et un peu salace en mimant des actes sexuels.
Des milliers de partages sur la Toile
Comment est née la polémique ? Tout simplement parce que les élèves, c'est le principe du Harlem Shake, ont filmé la scène et l'ont immédiatement diffusée sur YouTube puis sur Facebook. La vidéo a été très rapidement partagée, des milliers de fois. Et elle arrivée jusqu'au ministre de l'Education qui n'a guère apprécié l'expérience. Il a ordonné une enquête contre des lycéens pour leur mise en scène du buzz planétaire en ligne Harlem Shake.
Le ministre tunisien de l'Education a poussé une vive colère. Abdellatif Abid, qui n'est pas un islamiste d'Ennahda mais qui est issu du parti de centre gauche Etakatol, a ordonné une enquête contre ces élèves, évoquant de possibles « expulsions » d'élèves et même le « licenciement » du personnel éducatif, en direct sur radio Mosaïque, la plus écoutée du pays. Ces dérapages, a-t-il dit, vont à l’encontre des « missions éducatives ».
Le ministère évoque aussi des plaintes de parents d'élèves pour attentat à la pudeur. En tout cas, le personnel du lycée s'est étonné que le ministre en personne s'émeuve de cette situation et a demandé plutôt un conseil de discipline.
Cette réaction du ministre a suscité de vives railleries sur internet. C'est l’une des grandes spécialités du web tunisien, notamment sur Facebook et Twitter. En Tunisie, on appelle cela le tanbir, c'est-à-dire du commérage sarcastique. Le site du ministère de l'Education a été piraté à plusieurs reprises. Les élèves du lycée des Pères blancs ont voulu entamer une grève, pour finalement lancer sur Facebook des dizaines de nouveaux appels à d'autres Harlem Shake, notamment dans les prochains jours sur l'avenue Bourguiba, mais aussi devant le ministère de l'Education. « La réaction du ministre est surréaliste. Maintenant, disait l'un des participants, le Harlem Shake est devenu un acte politique, un acte révolutionnaire ».