Crise en Centrafrique : Damara, dernier verrou stratégique avant Bangui

Trois semaines après le début de son offensive, la rébellion centrafricaine de la Seleka a renforcé son emprise, le samedi 29 décembre, sur le territoire centrafricain. Elle a pris la ville de Sibut, située à environ 160 kilomètres au nord de Bangui, s’approchant un peu plus de la capitale centrafricaine et obligeant du coup les forces régulières et leurs alliés tchadiens à se replier à Damara. Un couvre-feu est instauré à Bangui depuis samedi, entre 19h00 et 5h00 (heure locale).

La prise de Sibut place les rebelles à 160 kilomètres de Bangui, mais leur offensive ne vise pas à accentuer la pression sur le gouvernement centrafricain, assure Eric Massi, porte-parole de l'alliance rebelle Seleka.

« Suite à l’attaque menée par les forces du président François Bozizé sur la ville de Bambari, et la défaite de ces forces, elles se sont repliées au-delà de Sibut, explique-t-il. Nous avons donc dû sécuriser la ville de Sibut. Sans combats, je tiens à le signaler. »

Les forces régulières centrafricaines et les troupes de la force multinationale d'Afrique centrale (Fomac), sont repliées à Damara, à 75 kilomètres de Bangui. Les rebelles, à court terme, n'envisagent pas de nouvelle offensive vers la capitale.

« Aujourd’hui la ville de Damara est à notre portée, assure Eric Massi. Nous avons appris la visite du président Yayi Boni et nous avons décidé de permettre à l’Union africaine de trouver avec le président François Bozizé une sortie par le haut qui soit digne d’un président de la république en exercice. »

A défaut de pouvoir enrayer la progression des rebelles sur la route de Bangui, le gouvernement centrafricain condamne l'offensive sur Sibut. « C’est la énième condamnation, lance Josué Binoua, ministre de l'Administration et du Territoire. Puisque nous devons éviter un bain de sang, nous optons pour une solution politique, s’il y a la possibilité. »

Damara en dernier rempart

Le commandant de la Fomac l’assurait samedi : la ville de Damara est la ligne rouge que les rebelles ne doivent pas dépasser. « Quoi qu’il arrive, nous resterons à Damara », a affirmé le général Akaga, qui commande la Fomac.

Damara constitue le dernier rempart avant Bangui. Par la route, cette ville est incontournable et constitue un nœud où se rejoignent les deux axes routiers reliant le nord du pays à la capitale.

C’est d’ailleurs cet argument qu’avance la Fomac pour justifier son repositionnement dans cette ville. Pour l’heure, cette force d’interposition se compose essentiellement de compagnies de combat tchadiennes. Le principe de renfort de la Fomac a été accepté vendredi soir à Libreville lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de la CEEAC sans qu'aucune indication précise sur l’origine, et surtout sur la date d’arrivée de ces effectifs, n’ait été communiquée.

Les négociations toujours à l'ordre du jour

L'entrée dans Sibut des rebelles ne met pas en cause la volonté du gouvernement de dialoguer, a indiqué à RFI le ministre Josué Binoua, alors que le gouvernement de François Bozizé s'était engagé vendredi à entrer dans des négociations sans préalable. Une large partie du territoire échappe désormais au pouvoir. L'alliance rebelle de la Seleka, qui a déclenché son offensive le 10 décembre, occupe désormais les importantes localités de Bria et de Bambari ainsi que plusieurs villes du Nord dont Kaga Bandoro et Ndélé.

Cette nouvelle avancée sur le terrain des rebelles intervient alors que la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) avait pourtant annoncé vendredi la tenue de négociations « sans délai et sans conditions » entre le gouvernement centrafricain et les rebelles. Aucun calendrier n'a toutefois encore été fixé pour le début des pourparlers.

La CEEAC dénonce « l'entêtement » des deux parties

Dans une conférence de presse, ce samedi, la CEEAC a qualifié d'« entêtement » la reprise des hostilités entre les deux parties depuis jeudi. L’institution lance une mise en garde à la Seleka. En cas de nouvelle attaque, ou si elle traverse la ligne rouge tracée sur la ville de Damara, la CEEAC considère qu’il s’agira d’une déclaration de guerre à tous les Etats de l’Afrique centrale.

Mais la mission assure qu'en s’attaquant à la position des rebelles, l’armée prendra toute la responsabilité d’un échec, réagissant à la prise de Sibut ce samedi matin. « Tout le monde est disposé au dialogue pour la résolution du conflit donc il faudrait que chacun tienne parole », a affirmé la mission.

Pour la CEEAC, le dialogue reste le seul et unique moyen pour la résolution de la crise en République centrafricaine. Pour l’instant, aucune date pour la tenue de ces dialogues n’est annoncée.

Le chef de l'Etat béninois Thomas Boni Yayi, président en exercice de l'Union africaine, va rencontrer dimanche 30 décembre, à Bangui, le président centrafricain François Bozizé pour encourager une sortie de crise par le dialogue.

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