Algérie: la visite de François Hollande suscite l'espoir de la population

Le président français est arrivé ce mercredi 19 décembre en Algérie, pour la cinquième visite d'un chef d'Etat français en 50 ans. Si les Algériens sont conscients que cette visite ne changera pas leur quotidien, ils espèrent que François Hollande améliorera les relations entre les deux pays.

Il n’est même pas encore huit heures du matin, et une vingtaine de personnes, des hommes en burnous marron pour la plupart, font la queue silencieusement devant un bâtiment blanc. Le service des anciens combattants de l’ambassade de France accueille chaque jour d'anciens engagés volontaires ou appelés sous les drapeaux français. Environ 50 000 Algériens ont aujourd'hui ce lien militaire particulier avec la France.

Abdelkader a combattu 3 ans, à Hanoï et à Saïgon. Ce vieux monsieur de 84 ans a beaucoup de reconnaissance envers la France. « J’ai appris, explique-t-il, à conduire et à être mécanicien à l’armée ».

Mais il admet que les relations entre les Français et les Algériens sont compliquées. « Ce qui a cassé les liens entre les deux pays, ajoute-t-il, c’est l’OAS [Organisation armée secrète, NDLR]. J’espère qu’avec François Hollande ça ira mieux désormais ». Comme beaucoup d'Algériens, Abdelkader apprécie le geste du président français sur la reconnaissance des violences policières du 17 octobre 1961.

« Il faut arrêter de se tourner le dos »

À quelques mètres de là, dans son bureau, Tarik Bencheman, le médecin du service, vérifie l'état de santé d'un ancien combattant. « Le lien entre les Algériens et les Français ne disparaîtra jamais, affirme-t-il, il est trop fort. Il faut qu’on arrête de voir les Français comme des colons. Il faut arrêter de se tourner le dos ».

L'homme de 37 ans voudrait aussi que la circulation entre les deux pays soit plus facile, surtout pour les étudiants. C'est aussi le souhait de Fellah Bensallah, 25 ans : « La France, c’est l’Europe. Il faut que nous puissions nous ouvrir aux autres ».

Si les autorités françaises répètent que 85% des demandes de visas sont accordées, ce qui constitue selon elles un très bon résultat, la population se sent discriminée. « Mes enfants et mes petits-enfants vivent en France. Pourquoi est-ce que je ne peux pas aller les voir comme je veux? Pour obtenir un visa, on nous traite comme des criminels ! », s'emporte Fatiha, la cinquantaine. Les interminables files d'attente à l'aube devant le consulat pendant les années quatre-vingt-dix ont marqué les Algériens. Tout comme le terminal « spécial » qui leur était réservé dans les aéroport lors de la « décennie noire ».

Visibilité

Dans la capitale, on sent la peinture fraîche. Certaines rues ont été repeintes pour l'arrivée du chef d'Etat français. Saïd et Azzedine, chauffeurs, discutent autour de leur voiture. « La visite n'intéresse que les journalistes et les politiciens. Pour changer les choses, tout dépend de Bouteflika », lance le premier. « Bien sûr, on préfère Hollande à Sarkozy. Mais tout ça, c'est de la politique », renchérit le deuxième.

Azzedine, les mains enfoncées dans sa veste en cuir ajoute: « De toute manière, l'Algérie est incontournable pour les Français. Le reste du Maghreb n'a pas de pétrole ! ».

Sur le front de mer de Bab-el-Oued, Yacine, 26 ans, au chômage depuis deux ans, est dubitatif: « Cette visite, je m'en fiche. François Hollande ne peut rien faire pour changer notre quotidien ici ».

 

Mais à Djanet, aux portes du désert du Tassili, Ayoub el-Housseini espère bien le contraire. « La visite d’un président donne de la visibilité à notre pays. Nous espérons que cela va débloquer l’économie touristique », explique le guide de 50 ans.

Il y a quelques jours, 14 partis politiques ont demandé à la France de reconnaître les crimes du colonialisme et de présenter des excuses officielles. Ils boycotteront le discours de François Hollande devant l'Assemblée populaire nationale et le Sénat. Ils refusent également toute discussion avec les pieds-noirs et les harkis de la délégation française.

Mais pour les moudjahidines, les résistants algériens, ce discours est inopportun. Fatiha Douali, 74 ans, a passé 18 mois dans le maquis à la fin des années 1950. « François Hollande ? Marhababik ! Qu'il soit le bienvenu ! Nous avons pris notre indépendance, désormais les Français sont nos amis ».

Partager :