Tunisie: le président Marzouki rassure les députés français

Dans le cadre de sa visite officielle en France, le président tunisien Moncef Marzouki a prononcé, mercredi 18 juillet, un discours devant l’Assemblée nationale française – un honneur que n’avait reçu aucun dirigeant étranger depuis 2006. Il a tenu à exprimer toute sa gratitude à la France et à assurer que son pays n’était pas « dans l’escarcelle de l’islamisme »mais« dans l’escarcelle de la démocratie ».

Au lendemain de sa rencontre avec son homologue François Hollande, le président tunisien a défendu, à la tribune de l’Assemblée nationale française, son alliance avec le parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie. La visite en France du président Moncef Marzouki est essentiellement destinée à lever les malentendus créés par le soutien de Paris à l’ancien régime du président Ben Ali et à recadrer les relations bilatérales.

« On me pose souvent la question : est-ce que la Tunisie est tombée dans l’escarcelle de l’islamisme ? La réponse est non, la Tunisie est tombée dans l’escarcelle de la démocratie », a-t-il déclaré devant les députés.

Dans l’hémicycle, face aux députés majoritairement à gauche, Moncef Marzouki a livré un vibrant discours en faveur de l’alliance que son parti de centre-gauche a scellée avec le parti islamiste Ennahada. « De la même façon qu’il existe, en Occident, des chrétiens-démocrates, il y a et il y aura, dans le monde arabe, des partis islamo-démocrates dont Ennahda n’est que le prototype tunisien », a-t-il souligné.

Tout en rappelant « qu’une fraction de la France officielle a soutenu, directement ou indirectement, la dictature qui nous a opprimés » en faisant une référence au régime de Ben Ali, le président tunisien a tenu à exprimer toute sa gratitude à la « partie essentielle de la France, celle des partis et des syndicats, des organisations de la société civile, la France des médias, des intellectuels et des simples citoyens, la France qui m’a donné asile » a-t-il spécifié.

 La visite de Moncef Marzouki perçue par les députés français

Le président tunisien a été très honoré de l’accueil qui lui a été réservé par le président de l’Assemblée - Claude Bartolone, natif de Tunisie. Cette invitation à l’Assemblée était très importante car elle permettait, en quelque sorte, de réparer les errements du passé, selon la députée du Parti socialiste, Elisabeth Guigou. Au micro de RFI, elle considère qu’il y a eu un manque de conscience collective par rapport à ce qui se passait en Tunisie.

Moncef Marzouki a tenu un discours qui se voulait rassurant, sans pour autant occulter les difficultés de la transition tunisienne.

Interviewé par Marie-Pierre Olphand, le député socialiste, Pouria Amir-Shahi Un, considère qu’il s’agit d’un discours vrai. «Il met les pieds dans le plat, ce qui est tout de même intéressant. En plus, c’est ce que les gens voulaient entendre. Cela eût été trop facile de venir et d’expliquer que la Tunisie va bien ; que la Tunisie s’est défait d’un régime tyrannique, etc.… On aurait applaudi et puis c’est tout », a-t-il dit.

Les applaudissements ont été nombreux, plus souvent chez les députés de gauche plutôt que chez ceux de droite. Histoire oblige...

Patrick Ollier, compagnon de Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre des Affaires étrangères accusée d'avoir aidé le régime de Ben Ali, était dans l'hémicycle. Pour lui, pas question que la droite reconnaisse des erreurs. « Je ne vois pas quelle erreur vous voulez qu’on reconnaisse. Vous voulez qu’on revienne à la colonisation ?! Je crois que cela ne sert à rien de revenir là-dessus. Ce qu’il faut, c’est construire un avenir commun. Arrêtez de gratter les plaies pour les faire saigner, en regardant derrière », a-t-il insisté, interviewé par RFI.

Quelques députés de droite tels que Pierre Lellouche ont choisi de boycotter la séance. Cependant, la plupart étaient présents, évoquant tout simplement une attitude républicaine à l'égard d'un invité de marque.

Moncef Marzouki a par ailleurs été reçu, en début de soirée, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. A l’occasion de cet entretien, les deux dirigeants sont convenus de créer « un groupe d’impulsion économique » dont le but est de renforcer l’implication des entreprises françaises.

La visite du président tunisien se termine, jeudi 19 juillet, par un déplacement à Marseille, dans le sud-est de la France.

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