RFI : Depuis le 17 janvier, les rebelles touaregs du nord du Mali sont en guerre contre le pouvoir de Bamako. Ils demandent l’indépendance de l’Azawad. Qu’en pensez-vous ?
Thomas Boni Yayi : C’est une situation que nous déplorons et, en ma qualité de président de l’Union africaine, j’ai envoyé mon ministre des Affaires étrangères pour s’entretenir d’abord avec mon cher aîné, le président Toumani Touré, qui a notre cœur, à qui nous pensons, nous tous, parce que le Mali est un pays véritablement démocratique qui se trouve à la veille d’un scrutin qui permettra au peuple malien de choisir démocratiquement son président. Lors de notre concertation informelle, on a tous été d’accord que c’est une des conséquences, en réalité, de ce qui s’est passé en Libye. Mais avec des effets collatéraux vers des pays comme le Burkina, qui aujourd’hui a reçu plus de 10 000 réfugiés ; la République du Niger, plus de 23 000 réfugiés ! Avec des conséquences dramatiques sur le plan alimentaire. Et nous devons agir ! La réunion informelle que nous avons eue à Cotonou s’y est penchée sérieusement. Et ces prochains jours, le Conseil de paix et de sécurité, qui est même présidé par mon cher aîné, le président Toumani Touré, se réunira afin de stabiliser cette partie de notre continent. C’est pourquoi d’ailleurs, très prochainement, je me rendrai en Algérie. Je suis allé au Tchad pour m’associer à cette idée qui, aujourd’hui, est en train de se dessiner, d’organiser une grande conférence de tous les pays concernés, des pays riverains : l’Algérie, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina, la Libye, etc., pour trouver une solution et consolider l’Etat malien dans son intégrité. C’est un Etat démocratique.
RFI : Et où se tiendrait cette conférence, M. le Président ?
Thomas Boni Yayi : Ecoutez, c’est un projet. C’est le président Idriss Deby qui m’en a parlé. Il m’a dit qu’il allait essayer d’en informer ses collègues. Donc, j’attends qu’il me donne des précisions là-dessus.
RFI : Est-ce que les rebelles touaregs du MNLA pourraient participer à cette grande conférence ?
Thomas Boni Yayi : Attendons que les gens se retrouvent et que nous puissions mener les réflexions. J’étais avec mon cher collègue, cher frère, le président Idriss Déby, lorsqu’il m’a fait part de ce projet, sur proposition de la communauté internationale. Donc, tous les pays riverains vont se retrouver et vont examiner les conditions dans lesquelles la conférence va se passer. Nous tous, nous appelons à un dialogue.
RFI : Vous dites que tout cela est la conséquence des événements de Libye. Est-ce que vous regrettez l’époque Kadhafi ?
Thomas Boni Yayi : Mais, écoutez, nous avons le sentiment que nous avons subi l’événement. Nous en avons été dessaisis. Dans les discussions informelles que nous avons eues à Cotonou, je dois dire que j’ai été sensible aux commentaires qui ont été faits par certains de mes collègues qui ont estimé qu’en réalité, ce qui s’est passé en Libye découle du déficit démocratique. Les institutions démocratiques n’existaient pas. Le Parlement n’existait pas. Donc, tout ceci nous convainc qu’en réalité, le régime de feu Kadhafi –on ne critique pas les morts en Afrique– mais il était certainement loin du peuple qui, à un moment donné, s’est attaché les services de la communauté internationale, et notamment l’Otan, certains pays de l’Occident, pour organiser ce qui s’est passé et que vous connaissez. Mais ce qui est regrettable, c’est qu’aujourd’hui, le problème n’est pas réglé. Et si rien n’est fait, nous en avons encore pour une vingtaine d’années, du point de vue des affrontements des groupes ethniques dans ce pays-là.
RFI : Après le dernier sommet d’Addis-Abeba, la bataille pour la présidence de la Commission de l’Union africaine continue entre M. Ping et Mme Dlamini-Zuma. Est-ce que vous soutenez l’un des deux ou est-ce que vous cherchez un troisième homme ?
Thomas Boni Yayi : (rires) Nous avons mis en place un comité de huit chefs d’Etat. Je suis en train de convoquer mes chers collègues pour le 17 mars prochain, parce que la mission de ce comité est de statuer sur les conditions de la mise en place de la nouvelle commission au Malawi, à un prochain sommet en juin. Alors, vous me demandez si nous allons maintenir les deux candidatures ou qu’est-ce que nous allons faire ? Je ne saurais vous dire. Je crois que je suis obligé d’attendre. Mais je suis en mesure de vous dire que la réunion de Cotonou en a largement parlé, parce qu’on s’est parlé à huis clos, uniquement les chefs d’Etat. Chacun a vidé son ventre. C’est à cette occasion que notre ami le président Jacob Zuma nous a informés que la SADC [Communauté de développement d'Afrique australe, ndlr] s’est réunie pour confirmer sa candidature. Donc nous avons pris acte de cette information. Mais nous sommes convaincus d’une chose : nous allons relever le défi. Et à l’heure où je vous parle, nous sommes en train d’entreprendre des démarches structurelles nous nous parlons par région, etc., pour que nous puissions trouver une solution.