La visite d’Etat d’Alassane Ouattara en France vient couronner des mois de chassés-croisés diplomatiques entre Paris et Abidjan pour sceller des retrouvailles entre la Côte d’Ivoire et son ancienne puissance coloniale. Des retrouvailles après la parenthèse d’une décennie marquée par « l’incompréhension et la méfiance », selon le porte-parole du gouvernement ivoirien, Bruno Koné. Dix ans de tensions entre le pouvoir de l’ex-président Laurent Gbagbo et la France, aussi bien sous Nicolas Sarkozy que sous Jacques Chirac.
Lors de la crise post-électorale ivoirienne fin 2010, Paris a très vite pris fait et cause pour Alassane Ouattara. Au bout de deux semaines de guerre à Abidjan, fin mars - début avril 2011, l’intervention des forces françaises et des casques bleus de l’Onuci (Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire) pour neutraliser l’armement lourd aura été décisive dans la chute de Laurent Gbagbo.
Visite en grande pompe
Et Paris a mis les petits plats dans les grands pour accueillir celui qui apparait aujourd'hui comme le meilleur ami de la France en Afrique. « La normalisation politique est encore loin d'être achevée mais elle est en cours et nous voulions lui donner de la visibilité », admet un diplomate français. Alors cette visite d'Etat était prévue de longue date, elle devait même avoir lieu avant la fin de l'année 2011 mais elle a été reportée notamment car à l'époque Carla Bruni qui venait d'accoucher ne pouvait pas assister au diner qui sera finalement donné demain soir à l'Elysée. Sur le fond, depuis l'accession au pouvoir d'Alassane Ouattara, la bonne entente entre Paris et Abidjan est manifeste. En moins d'un an, Nicolas Sarkozy, François Fillon mais aussi les ministres français de l'Intérieur et de la Défense ont fait le voyage en terre ivoirienne.
Le point d'orgue de cette visite d'état sera le tête-à-tête demain à l'Elysée entre deux présidents qui se connaissent bien et qui ne cachent pas leur amitié de longue date. Selon quelques indiscrétions, lors de cet entretien Nicolas Sarkozy pourrait notamment inciter Alassane Ouattara à donner d'avantage de force au processus de réconciliation. A Paris on estime que pour favoriser cette réconciliation, il faudrait que des poursuites soient rapidement lancées contre des responsables des FRCI, l'armée pro Ouattara. Toute la question étant de savoir jusqu'à quel niveau de responsabilité ces poursuites doivent être engagées devant la CPI ou devant la justice ivoirienne.
Critiques du camp Gbagbo
Du côté du camp de l'ex-président Laurent Gbagbo, aujourd'hui en détention à la Haye, cette venue à Paris d'Alassane Ouattara suscite quelques commentaires. Les partisans de l’ex-chef d’Etat ivoirien ne croient pas qu’il s’agisse d’un simple « retour à la normalité entre les deux pays ». Ils martèlent qu’Alassane Ouattara est un président entièrement sous la coupe de la France.
Des enjeux économiques
Lors de cette visite il sera aussi question d’économie. Sur le plan institutionnel, cette visite doit marquer la relance de la coopération entre les deux pays. Cela dit Paris a déjà mis la main au portefeuille puisqu'après l'investiture d'Alassane Ouattara, la France a effectué un prêt de 400 millions d'euros à la Côte d'Ivoire pour lui permettre de payer ses fonctionnaires. Aujourd'hui, le président ivoirien qui est engagé dans une politique de relance de l'économie de son pays espère bien que la France pèsera de tout son poids pour que la Côte d'Ivoire accède au point d'achèvement PPTE, ce qui lui permettra d'effacer sa dette et donc de bénéficier de d'avantages de ressources.
Sur le plan privé, le président ivoirien entend bien profiter de cette visite pour attirer des entreprises françaises dans son pays. La signature de plusieurs contrats est déjà prévue. Par exemple, Total devrait se porter acquéreur d'un bloc pétrolier au large de la Côte d'ivoire, le groupe Accor devrait lui signer officiellement la reprise de l'Hôtel Ivoire à Abidjan.