C’est peut-être la dernière chance pour Zakaria Moumni d’être gracié. Mercredi 11 janvier 2012, le Maroc célébrera la commémoration du Manifeste de son indépendance au cours de laquelle le roi a pour habitude de gracier des prisonniers. Alors lundi 9 janvier, l’épouse du boxeur ainsi qu’un collectif d’organisations non gouvernementales, parmi lesquelles la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Human Rights Watch, ont appelé le souverain marocain à accorder sa grâce à Zakaria Moumni.
« Nous estimons que la grâce est un droit absolu pour Zakaria Moumni, qui doit recouvrer la liberté. Mais nous demandons aussi sa réhabilitation totale », a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.
Zakaria Moumni, 31 ans, a été arrêté en septembre 2010 lors d’un séjour au Maroc. Il affirme avoir signé sous la torture des aveux selon lesquels il aurait soutiré à deux Marocains l’équivalent de 1 200 euros chacun contre la promesse de leur trouver du travail en Europe.
Faire valoir ses droits
Cette histoire est celle d’un sportif marocain ayant voulu faire valoir ses droits. En 1999, Zakaria Moumni remporte à Malte le championnat du monde de light-contact, un dérivé du kickboxing. Il a 19 ans et devient le premier Arabe champion du monde dans cette discipline. Il sait que cette victoire va lui permettre de quitter le quartier populaire de Rabat où il vit et obtenir un travail au sein de l’administration royale. Le dahir (décret royal) n° 1194-66 datant du 9 mars 1967 l’affirme : les ressortissants marocains ayant remporté un titre de champion du monde peuvent prétendre à un poste de conseiller sportif au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports.
A son retour au Maroc, le boxeur toque alors à toutes les portes pour réclamer son dû. Sans succès. Il persiste, se plaint de discrimination, veut rencontrer le roi. L’affaire commence à faire du bruit. Le secrétaire particulier du souverain, Mounir Majidi, finit par accepter de le recevoir. D’après Zakaria Moumni, celui-ci l’aurait assuré de s’occuper personnellement de sa demande. Et puis rien. Le jeune champion tente de le recontacter. On lui répond alors que Mounir Majidi ne le connaît pas et qu’il n’a pas intérêt à rappeler sous peine d’avoir des problèmes.
En 2006, Zakaria Moumni quitte le Maroc pour la France, sans renoncer pour autant à son droit. En 2009, il se rend au château de Betz en France, où Mohammed VI est en vacances. Il se heurte aux gardes du corps du secrétaire particulier du roi. C’est la tentative de trop.
« Battu et torturé »
Le 27 septembre 2010, alors qu’il rentre au Maroc, le boxeur est arrêté à l’aéroport de Rabat et emmené dans un endroit secret. « Il a compris en écoutant parler des gardiens qu’il était à Temara, raconte son épouse Taline sur le plateau de TV5. Il a été ligoté pendant quatre jours sur une chaise, sans jamais pouvoir se mettre debout ni s’allonger. Sans nourriture, on ne lui donnait que de l’eau. Il a été battu et torturé ». Selon un rapport de Human Rights Watch, Zakaria Moumni est ensuite transféré dans un poste de police où on le force à signer des documents sans qu’il puisse les lire.
Le 30 septembre, Zakaria Moumni est présenté au procureur de Rabat qui lui signifie les charges qui pèsent contre lui. Il aurait extorqué 14 000 dirhams (1 200 euros) à deux Marocains contre la promesse de leur trouver du travail en Europe. Il récuse ces accusations. Le procès a lieu un peu plus tard dans la journée, en l’absence des deux plaignants et de leur avocat. Le 4 octobre, la cour déclare le boxeur coupable et le condamne à trois ans de réclusion. Il est conduit dans une prison à deux heures de route de Rabat.
Ses deux avocats, le défenseur des droits de l’homme Maître Abderrahim Jamaï et Maître William Bourdon, dénoncent un procès fabriqués de toute pièce. Malgré leurs multiples demandes, les deux plaignants restent introuvables. En janvier 2011, la peine de trois ans de prison est réduite en appel à 30 mois. La Cour suprême du Maroc est saisie et ordonne que l’affaire soit rejugée. Le 22 décembre 2011, le tribunal de Salé, près de Rabat, réduit de nouveau sa peine de dix mois. Encore trop pour ces défenseurs qui dénoncent des « simulacres de procès ».
« C'est une histoire de vengeance. Son entêtement à faire valoir ses droits a déplu au secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi. Alors, il l'a puni », a lâché Taline Moumni au site d’information Rue89. Reste maintenant à savoir si Mohammed VI lèvera la punition.