Avec notre envoyée spéciale à Linselles
C’est sous un temps de giboulées, un temps glacial, que plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées au cimetière de Linselles ce dimanche 8 janvier. Ambiance nordiste, dans cette banlieue coquette de Lille. L’harmonie municipale interprète « L’hymne à la joie », on procède à un lâcher de pigeons en signe de paix, et une stèle est dévoilée pour se souvenir d’Antoine et Vincent, « enlevés au Niger, tués au Mali, le 8 janvier 2011 » indique la plaque. « Une cérémonie digne et simple comme eux », précise un copain d’Antoine.
Les parents, les familles, sont là. Les amis nombreux de ces jeunes qui n’avaient que 25 ans, tous, unanimes, disent la douleur de l’absence et la difficulté à faire le deuil un an plus tard.
« Mon frère Vincent est la victime du terrorisme et la victime de la lutte contre le terrorisme. Il a été tué par et pour la France », explique avec émotion Annabelle, la sœur de Vincent Delory.
La maman d’Antoine s’exprime pour la première fois : « Sa mort c’est comme si c’était hier, et je n’arrive pas à comprendre pourquoi mon fils est mort. Antoine aimait l’Afrique, au point qu’il avait décidé d’épouser Rakia, une jeune Nigérienne. Le mariage devait avoir lieu une semaine plus tard ». Rakia, qui n’était pas là, ce matin à Linselles.
Un an après, l’enquête se poursuit avec des zones d’ombre. Les familles demandent à connaître la vérité, toute la vérité, sur les circonstances de cette intervention militaire française, au cours de laquelle les deux Français ont péri. « On nous doit la vérité », explique la maman de Vincent.
Ces familles ne comprennent pas pourquoi, par exemple, le ministre français de la Défense a récemment refusé une nouvelle fois, la levée complète du secret défense.
D’ailleurs, Me Antoine Casubolo Ferro, l’avocat de la famille Léocour, a réaffirmé ce matin sa volonté de voir ce secret défense levé. Et d’obtenir également l’élargissement du champ d’investigation des juges chargés du dossier, pour pouvoir, notamment, répondre à la question : « Qui a donné l’ordre de tirer sur le véhicule blanc où se trouvait Antoine de Léocour et Vincent Delory ce 8 janvier 2011 ? ». Les familles ont également demandé à être reçues récemment par le chef de l’Etat et qui attendent toujours une réponse.
Retour sur les faits
Le 7 janvier 2011, Vincent Delory arrive à Niamey. Il rejoint son ami d'enfance Antoine de Léocour, qui travaille dans une ONG humanitaire sur place. Tous deux ont 25 ans. Antoine doit se marier la semaine suivante avec sa fiancée nigérienne. Vincent sera son témoin. En début de soirée, ils se rendent dans le maquis Le Toulousain au coeur de la capitale. Vers 23h, quatre hommes armés et enturbannés arrivent et enlèvent les deux jeunes gens, au hasard. Ce sont des hommes d'Aqmi.
Les deux Français sont embarqués à bord d'un véhicule tout terrain qui prend la route vers le Mali. Les forces nigériennes vont tenter d'intervenir. Elle sont rejointes par les forces spéciales françaises. Au matin du 8 janvier, l'ordre est donné par Paris d'intervenir pour stopper la fuite des ravisseurs qui ont déjà passé la frontière.
Un assaut aérien et terrestre d'une grande violence a lieu. Antoine est exécuté d'une balle dans la tête par les terroristes. Le corps de Vincent est retrouvé à 200 mètres de véhicule en partie carbonisé. Trois gendarmes nigériens sont également tués. Durant la nuit, vaillamment, ils ont poursuivi les deux véhicules des ravisseurs, mais ils sont à leur tour kidnappés. Durant plusieurs jours, les autorités françaises les soupçonneront d'être des complices des ravisseurs.
Un an plus tard, de nombreuses zones d'ombre demeurent dans cette affaire. Une enquête est confiée à des magistrats anti terroristes à Paris et à Niamey.