De notre correspondante à La Haye
La décision rendue par les juges de la Cour pénale internationale (CPI) n’est pas une surprise. La théorie du procureur était extrêmement fragile, les preuves faibles. Selon Luis Moreno Ocampo, le secrétaire exécutif des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), une milice composée en partie d’anciens extrémistes hutus, avait, en diffusant des communiqués de presse et en donnant des interviews dans les médias depuis Paris, où il résidait, participé à un plan. Pour le procureur, ce plan visait à provoquer une catastrophe humanitaire pour obtenir des gouvernements congolais et rwandais des concessions permettant au FDLR de s’emparer du pouvoir à Kigali.
Preuves insuffisantes
Dans leur décision, rendue à la majorité de deux juges sur trois, les magistrats estiment que les preuves présentées par le procureur ne sont pas suffisantes pour croire que l’accusé a, grâce à ses communiqués de presse et ses interviews à la radio, encouragé les troupes à commettre des crimes sur le terrain. Ils estiment que les FDLR ont effectivement commis des crimes de guerre, mais que le suspect n’y a pas participé. Ils ajoutent, en outre, que les preuves d’éventuels crimes contre l’humanité commis par les miliciens n’ont pas été apportées.
Des louanges au FDLR
Pour les magistrats de La Haye, les communiqués de presse présentés par le procureur comme pièces à conviction lors d’audiences tenues en septembre, ne comprenaient que des louanges aux troupes sur le terrain. L’avocat du suspect, maître Nick Kaufman, s’était d’ailleurs interrogé sur le caractère criminel de communiqués, qui selon lui, relevaient plutôt de la liberté d’expression.
Pour tenter de démontrer que Callixte Mbarushimana jouait un rôle important au sein des FDLR, même depuis son exil en Europe, et avait un contrôle sur les crimes commis sur le terrain, le procureur avait évoqué son rôle lors de négociations de paix conduites sous l’égide de la communauté San Egidio. Pour les juges, « sa participation active » aux négociations n’a pas contribué aux crimes.
Information judiciaire en France
Peu après la décision, le procureur a demandé la suspension des mesures de mises en libération, le temps pour lui de faire, éventuellement, appel. En attendant, le Greffe a commencé à prendre des contacts avec l’Etat sur lequel le suspect devra être libéré.
Callixte Mbarushimana avait été arrêté en France, le 11 octobre 2010, après la délivrance d’un mandat d’arrêt sous scellés par la Cour. A Paris, une autre procédure l’attend. Le Rwandais fait l’objet d’une information judiciaire ouverte contre lui en décembre 2010, pour des crimes commis lors du génocide au Rwanda, en 1994.