Des défections ont fait grand bruit ces derniers temps dans le camp du président rwandais notamment celle de Faustin Kayumba Nyamwassa, parti l'an dernier en exil en Afrique du Sud. Depuis, cet ex-chef d'état major de l'armée a formé un parti d'opposition avec d'autres anciens cadres du FPR, tous exilés désormais. Car à l'intérieur du pays, l'opposition est muselée.
Même si beaucoup vantent les réalisations de Paul Kagame en matière de développement économique, ils sont aussi de plus en plus nombreux à dénoncer l'autoritarisme de son régime. Surtout depuis la présidentielle de 2010 quand les principaux adversaires potentiels du président Kagame avaient été emprisonnés ou placés en résidence surveillée avant le scrutin. Parmi eux, l'opposante Victoire Ingabiré, jugée en ce moment pour complicité de terrorisme et atteinte à la sûreté de l'Etat.
Sous l'administration Bush, Paul Kagame avait ses habitudes à la Maison Blanche. Mais à Washington depuis ce scrutin, on parle de dérive autocratique. Colère aussi à Londres, où les autorités ont accusé les services secrets rwandais de vouloir cibler des Rwandais en exil sur le sol britannique. Pour résumer, le Rwanda ne peut plus s'appuyer comme avant sur ses traditionnels alliés anglo-saxons. Or, à chaque fois dans ces cas là, dit l'universitaire André Guichaoua, le Rwanda redécouvre les vertus de la France.
Une visite qui fait grincer des dents
En effet, alors que Paul Kagame arrive en France, Alain Juppé est dans le Pacifique. Cela tombe plutôt bien. Le chef de la diplomatie française a dit qu'il n'avait pas l'intention de serrer la main de Paul Kagame tant que circulerait au Rwanda le rapport Mucyo. Un rapport qui accuse la France de complicité dans le génocide, et qui vise nommément Alain Juppé, déjà ministre des Affaires étrangères à l'époque.
D'anciens militaires français intervenus au Rwanda en 1994 avec l'Opération Turquoise se disent, eux, insultés par la venue du président rwandais. Mais à l'Elysée, la réconciliation est en marche. Nicolas Sarkozy s'est rendu à Kigali l'an dernier, une première, et il s'est distancié de ses prédécesseurs, en évoquant une « forme d'aveuglement de Paris » en 1994.
Bonne volonté française
Et puis Paris, accusée depuis 17 ans d'accueillir des génocidaires, donne des gages de bonne volonté. Des juges français enquêtent maintenant sur une vingtaine de ces Rwandais installés dans l'Hexagone et Agathe Habyarimana, veuve de l'ancien président rwandais, doit désormais se battre devant la justice pour renouveler son titre de séjour en France.
Reste le contentieux autour de l'instruction judiciaire française sur l'attentat contre l'avion d'Habyarimana, attentat considéré comme l'élément déclencheur du génocide. En évoquant une éventuelle responsabilité du camp Kagame dans cet attentat, le juge Bruguières avait créé une violente crise diplomatique. Aujourd'hui les relations s'améliorent mais les juges qui ont repris le dossier enquêtent toujours, et à Paris comme à Kigali, on appréhende leurs conclusions.