Tunisie : beaucoup d’interrogations après les nouveaux affrontements avec la police

Suite aux nouvelles explosions de violences qui ont débuté ce vendredi 15 juillet et se sont poursuivies durant le week-end, des rumeurs se propagent sur une « contre-révolution ». Le ministère de l’Intérieur dénonce « des forces extrémistes qui cherchent à déstabiliser l’ordre et saboter le processus électoral ». Les contestataires, eux, s’insurgent contre la lenteur des réformes et un « retour des anciens du RCD », l’ex-parti au pouvoir.

Qui sont ces personnes venues de plusieurs villes du pays manifester leur colère à Tunis ? Pourquoi cette nouvelle flambée de protestation à Tunis, mais également dans d’autres villes du pays, a-t-elle été si violemment réprimée par la police ?

Pour le ministère de l’Intérieur, c’est un mot d’ordre émis par « un groupe d’extrémistes religieux pour semer le désordre dans le pays et faire avorter le rendez-vous électoral du 23 octobre 2011 ». Pour les forces de l’ordre, ce sont aussi « de faux salafistes, des membres du RDC, l’ex-parti au pouvoir dissous, des ivrognes ou des délinquants ».

Une tentative pour faire tomber le régime

Le Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi a estimé quant à lui, ce lundi 18 juillet, que les violences dans le pays « visaient à empêcher les élections ». Il a par ailleurs accusé « des partis politiques et des mouvements marginaux qui ne sont pas prêts pour les élections, car ils sont sûrs de ne pas les remporter ». Tout comme le ministère de l’Intérieur, le Premier ministre a cité « certains mouvements extrémistes religieux » tout en rajoutant que « ce n’étaient pas les seuls ».

Dans la nuit de samedi à dimanche, des armes et des munitions ont été dérobées lors de l’attaque du poste de police à Menzel Bourguiba, ce qui a fait dire au Premier ministre que « ceux qui ont volé des armes veulent renverser le régime ».

La Tunisie, en pleine transition, vit également une période où les incertitudes alimentent les craintes et favorisent les manipulations. Pour Mustapha Ben Jaafar, leader du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et ancien opposant au régime de Ben Ali, « les forces extrémistes dont parle le ministère de l’Intérieur, sont un concept très flou ; ce ne sont pas les boucs émissaires qui manquent en ce moment et le gouvernement doit mener des enquêtes sérieuses pour identifier les vrais responsables de ces violences ».

Pour le mouvement islamiste Ennahda, il ne faut pas réprimer mais écouter

Selon plusieurs témoignages sur place, parmi les participants au sit-in du vendredi, il y aurait des militants d’extrême gauche et des islamistes mécontents des travaux préparatoires aux élections de la future assemblée constituante. Une alliance qui a aussitôt suscité de nombreuses réactions sur Internet avec notamment plusieurs appels à une non-adhésion au mouvement. Néanmoins, et tant qu’une enquête n’aura pas lieu, il est très difficile d’identifier, pour le moment, ceux qui sont derrière la manifestation pacifique de vendredi et ceux qui s’en sont pris aux postes de police.

Au micro de RFI, Hamadi Jebali, secrétaire général du parti islamiste Ennahda, estime que toute violence, d’où qu’elle vienne, est condamnable. Faisant allusion à la manifestation de la Kasbah, vendredi, il estime que tout le monde a le droit de manifester pacifiquement et qu’à la place de la répression, il appelle au dialogue. Parallèlement, il condamne également les actes de violence contre les postes de police qui, selon lui, auraient été commis par des bandes armées qui, forcément, portent préjudice à la révolution. Il insiste également sur l’amalgame qu’il faut absolument éviter sur « les barbus ».

Des manifestations étouffées dans l’œuf

Tout a commencé après la prière du vendredi 15 juillet lorsque des centaines de personnes ont tenté d’envahir la place de la Kasbah, en plein centre de Tunis, devenue l’un des emblèmes du soulèvement tunisien. Elles sont venues de plusieurs villes du pays pour réclamer le départ des ministres de l’Intérieur et de la Justice, présentés comme les symboles d’un retour en arrière.

La démonstration de force, qui se voulait populaire, a immédiatement échoué de par les violents affrontements avec la police. La place était non seulement protégée par des centaines de mètres de barbelés mais également cerclée par un important dispositif policier. Visiblement, le gouvernement provisoire de Béji Caïd Essebsi, n’avait nullement l’intention de laisser s’installer des contestataires difficiles à déloger sur un lieu aussi symbolique.

Tout a dégénéré très vite et les incidents violents qui ont éclaté dans plusieurs villes du pays, se sont poursuivis jusqu’à ce dimanche 17 juillet, faisant plusieurs blessés et un mort à Sidi Bouzid, la ville d’où est partie la révolution qui a entraîné la chute du régime de Ben Ali.

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