A Tripoli, les officiels du régime ne s'en cachent pas : la menace du colonel Kadhafi de ne plus contrôler les flux migratoires sur ses côtes a été mise à exécution. Certains avouent même que des membres de leur propre famille envoient des bateaux de pêche chargés de clandestins africains sur les côtes italiennes de l'île de Lampedusa.
Le but, selon eux, est de créer un problème supplémentaire aux puissances de la coalition qui bombardent leur pays depuis le 19 mars dernier. Ces bateaux, qui ne transportent presque jamais de Libyens, partent le plus souvent du port de Tripoli mais aussi de Zouara, près de la frontière tunisienne.
Du côté tunisien, officiellement, on assure que la Libye a bien autre chose à faire que d'organiser des départs de clandestins vers l'Europe sur des bateaux hors d'âge qui finissent parfois sur ses côtes. Mais hors micro, les autorités tunisiennes le confessent plus volontiers : impossible, selon elles, que ces départs se fassent au minimum sans l'accord de Tripoli.
Comment imaginer, expliquait un officier de la marine tunisienne, qu'un chalutier chargé d'au moins 700 clandestins comme celui venu s'échouer la semaine dernière au large de Sfax, ait pu partir cinq jours plus tôt de Tripoli sans que personne ne s'en rende compte...
Le camp de Choucha, point de départ pour l’Europe via la Libye
Les humanitaires du camp de Choucha savent que de nombreux réfugiés finissent par retourner en Libye d'où chaque semaine des bateaux de clandestins mettent le cap sur Malte ou Lampedusa. Le Haut commissariat aux réfugiés, de son côté, a été alerté mais ne peut rien confirmer pour l'instant.
Des réfugiés africains installés dans le camp depuis près de trois mois assurent que des réseaux fonctionnent parfaitement pour passer en Libye dans l'espoir d'embarquer clandestinement pour l'Europe avec l'aide des autorités libyennes.
Selon ces réfugiés, ivoiriens ou somaliens, certaines communautés seraient en contact avec des passeurs libyens qui organiseraient le trafic pour rabattre à l'intérieur même du camp de réfugiés les candidats à l'immigration pour des sommes défiant toute concurrence : entre 50 à 500 euros, soit deux à vingt fois moins chers que les prix habituellement pratiqués pour ces traversées clandestines dont beaucoup ne reviennent jamais.
Le voyage se fera à bord d'un beau bateau, mis à disposition par le colonel Kadhafi. C'est le discours que tiennent les passeurs peu scrupuleux qui profiteraient du désespoir des réfugiés qui cherchent à fuir l'insécurité qui règne dans ce camp où des violences ont fait plusieurs victimes fin mai.